QUEL AVENIR POUR LES “RECICLADORES” A BOGOTA?

Gabriela Hernandez et Laura Cardenas, Bogotá
Pour 300.000 familles colombiennes, les déchets représentent une des seules possibilités de survivre. La mise en place d’une filière de tri sélectif moderne menace de disparition l’activité des « recicladores » traditionnels.
En effet, en triant et ramassant les déchets, ils peuvent gagner quelques pièces par jour. Ce travail se fait en famille et il n’est pas rare que les plus jeunes enfants y participent. Les “recicladores” doivent fouiller à la main en ouvrant les poubelles, parmi les déchets ordinaires ce qui est recyclable et pourrait être revendu. Cependant, c’est un travail dangereux et qui peut avoir de graves conséquences pour la santé, comme des risques de coupure, ou d’infection, mais aussi un risque d’accident de la route en tirant leurs charrettes à bras au milieu des voitures.
En parallèle, le gouvernement commence à mettre en place un recyclage organisé en disposant des bacs de collecte dans les rues et en affectant des équipes professionnelles pour le ramassage. La modernisation arrive donc à grand pas, mais que vont alors devenir les familles de « recicladores » traditionnels ?
Bien que la Colombie soit l’un des pays d’Amérique latine où le recyclage des déchets a le plus progressé, le travail du “reciclador” n’est toujours pas suffisamment reconnu. En effet, depuis des années le mot de “reciclador” est associé, de manière réductrice, à une personne indigente, qui vit exclusivement des déchets.
Or le travail des “recicladores” ne doit pas être sous estimé. Ils ramassent environ 1 200 tonnes de déchets par jour, ce qui représente une activité d’une valeur supérieure à 354 millions de pesos par an. Le recyclage représente plus de 50% de la matière première utilisée dans certaines productions industrielles (plastiques, cartons), selon les chiffres l’Association nationale des Recicladores de Bogotá. Ils fournissent un flux constant de matériaux aux entreprises colombiennes de recyclage. Par exemple, les bouteilles en plastique peuvent servir à fabriquer des produits similaires, ou bien des vêtements.
Pour Silvio Ruiz, délégué de l’Association Nationale des “Recicladores”, même si la Colombie a progressé dans la politique sociale du “reciclador”, ils ne sont toujours pas suffisamment protégés. Les rémunérations au poids de déchets, versées par les entreprises de recyclage ne permettent pas des conditions de vie décentes pour les « recicladores ». C’est tout le problème d’une activité à faible valeur ajoutée.
D’un autre côté, Yadira Vivanco, coordinatrice de l’Initiative régionale pour le recyclage inclusif (IRR), a expliqué qu’il devrait exister une politique publique sur le recyclage inclusif: « Les politiques publiques doivent permettre l’inclusion des acteurs sociaux de cette activité, que sont les “recicladores” de base », car leur activité est très utile pour la société et pour l’environnement.
En 1991, la famille Padilla a décidé de créer une association de “recicladores” à Bogota. L’Association de “Recicladores” de Bogotá (ARB) a convaincu le gouvernement colombien d’adopter un système de gestion des déchets, mis en œuvre dans 12 villes colombiennes, et qui inclut des « recicladores », par exemple en les employant dans la filière institutionnalisée de collecte des déchets.
Cette initiative a également inspiré des mouvements de ramasseurs de déchets dans des pays comme l’Équateur, l’Argentine et l’Afrique du Sud.
Dans cette période de transition, les plus miséreux continuent de sillonner les rues en fouillant les poubelles, ou même en vidant les conteneurs de collecte mis en place par la ville.