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Brexit, l’épilogue

Louis G.K. Ferrand, Bogotá 

 

A l’image d’un feuilleton, nous essayerons de rendre plus clair le processus de scission du Royaume-Uni de l’Union Européenne. Les événements antérieurs au 10 décembre 2018 ont déjà été évoqués dans les articles précédents.

 

 10 décembre 2018 : Un sable mouvant parlementaire pour Theresa May

 

L’accord du divorce pour lequel la première ministre anglaise avait tant bataillé avec l’Union Européenne ces 2 dernières années, n’est pas soumis à Westminster ce 10 décembre malgré l’annonce préalable. Ce changement de date est compris comme une volonté de gagner du temps et de pouvoir assurer à Theresa May la ratification de cet accord par le parlement, ce qui n’était pas certain pour le gouvernement, le 10 décembre.

En effet, cet accord est considéré trop laxiste pour les hard-Brexiters et trop extrémiste pour les pro-Européens. Comme, il n’y a pas de réel groupe parlementaire majoritaire approuvant totalement les politiques futures inclues dans l’accord de scission du Royaume-Uni, le gouvernement ne peut s’assurer une majorité lui permettant de le faire ratifier. Les principaux points de tensions concernent la définition des futurs liens du Royaume avec l’Union sur le plan économique ou diplomatique ainsi que la problématique de la frontière entre les deux Irlandes. Sujet essentiel et non négociable pour les unionistes irlandais qui sont totalement opposés au rétablissement d’une frontière physique, mais également pour les députés de l’UKIP (profondément eurosceptique) qui eux souhaitent ce rétablissement de frontière. Les deux bords de l’opposition se rejoignent contre cet accord.

L’accord de retrait devait à l’origine prévoir, si validé par le Parlement pour cette date, un temps de manœuvre de quatre mois pour le gouvernement afin qu’il puisse régler les différents problèmes d’ajustement qui adviendraient alors pour l’économie britannique lors du divorce. Ceci ne fut donc pas possible.

 

12 décembre 2018 : Theresa May fait face aux plus fortes critiques de ses opposants Conservateurs

 

Theresa May est issue du parti des Conservateurs. Le 12 décembre, ce même parti organise un vote interne de défiance vis-à-vis de la première ministre, le but étant pour ses opposants de l’éjecter du parti et ainsi de montrer leur désaccord avec les politiques menées par le gouvernement. Pour Theresa May, c’est évidemment un avertissement de taille de la part des conservateurs les plus hostiles à l’accord sur le Brexit.

Les points de tensions qui provoquent cette crise sont principalement en rapport avec la question de la frontière Irlandaise et le « Back stop » promu par Theresa May. Il s’agit d’une sorte de filet économique permettant d’instaurer une zone économique exclusive entre les deux territoires Irlandais. Cette frontière entre les deux Irlandes est un sujet de crispations majeures entre le gouvernement et les opposants conservateurs car elle est voulue par ce groupe conservateur à l’égale de celle des années 80. Ce qui reviendrait à une situation très propice à des échauffements, point important de la défense du gouvernement pour l’instauration de ce « back stop ».

Le vote de défiance organisé par le propre camp de Theresa May n’aboutira pas car les députés britanniques conservateurs vont finalement majoritairement renouveler leur confiance en la personne de Theresa May à 200 voix contre 117. Considéré au début de la crise comme une marque forte de l’affaiblissement du gouvernement en place et de la première ministre, cette attaque frontale va paradoxalement consolider la position de Theresa May et la conforter dans ces visions. En remportant ce scrutin, Theresa May se voit accorder une position garantie pour une période d’un an pendant laquelle elle est intouchable.

                             Manifestation contre les accords promut par Theresa May le soir du vote

13 décembre 2018 : les 27 pays membres de l’Union Européenne s’opposent à la redéfinition d’un accord

 

La première ministre est contrainte par Westminster de retourner à Bruxelles pour redéfinir l’accord dans l’espoir d’obtenir des clauses plus favorables à la constitution d’une majorité « pour ». Mais elle s’est vu opposée à un front commun des 27 pays membres du Conseil européen pour qui cela n’était possible. Les directives européennes évoquent une possible clarification des positions sur le compliqué « Back stop » mais une réouverture des négociations serait impossible.

Les débats au sein du parlement britannique sur le Brexit ne reprendront qu’au début de l’année 2019 car repoussés par le gouvernement. Theresa May annonce également que pour la date du 21 janvier se tiendrait une ratification hypothétique des accords par les parlementaires.

Pendant toute la période des fêtes associée à un vide parlementaire, les positions s’affirment dans les différents camps en vue de la réouverture des discussions prévues début janvier 2019. L’hypothèse du « no-deal » se profile sérieusement et les différents états membres se préparent à une rupture brutale des relations entre le Royaume et l’Union prévue le 29 mars 2019, à minuit.

Mais c’est aussi pendant cette période que de nombreux autres scénarios sont envisagés comme la tenue d’un second référendum.

                                             Manifestations pro-européennes le 1er Janvier 2019

8 et 9 janvier 2019 : la réouverture des débats synonyme d’un étau qui se resserre autour de Theresa May

 

Avec le retour des députés britanniques sur les bancs de la Chambre des communes, la position de Theresa May et de son accord n’a jamais été aussi intenable. L’accord que Theresa May avait négocié avec l’Union Européenne en novembre ne fédère aucune majorité sympathique au Parlement malgré ses tentatives de séduction répétées. L’enjeu est de taille pour la première ministre ! En obtenant cette majorité, elle se verrait alors assurée par la même occasion d’une majorité au Parlement.

La fragilité de la position de Theresa May est pour les différents observateurs, le reflet de l’hypothèse la plus probable c’est-à-dire un divorce sans accord. Le 9 janvier, les parlementaires britanniques vont dans cette vague de pessimisme envers le gouvernement, renforcer leur autorité par deux amendements. Le premier, une fois ratifié oblige le gouvernement à présenter un plan B dans les trois jours suivants une non validation de l’accord de divorce. De bien mauvais présage pour une hypothétique ratification de l’accord le 15 janvier.

Un second amendement voit également le jour, sur une loi de finance qui sera adoptée par des élus conservateurs et travaillistes. Il prévoit quant à lui, que les mesures fiscales prises par le département du Trésor conséquemment au Brexit devront être soumises au vote préalable du Parlement.  Le gouvernement doit se plier à la volonté des parlementaires.

Les parlementaires vont donc avant même le vote de l’accord, assurer une marge de manœuvre à Westminster dans le cas d’un refus. Pour ainsi dire le résultat du vote ne fait plus aucun doute et qu’il sera négatif pour le gouvernement.

 

15 janvier 2019 : Les accords pour un Brexit « soft » sont fortement rejetés

 

A l’origine prévu pour le 21 janvier, le vote vis-à-vis des accords de scission du Royaume Uni de l’Union est avancé d’une semaine et se déroule le 15 du même mois. Probablement, le gouvernement voyant le peu de chance d’une validation parlementaire de l’accord décida d’avancer le jour du vote pour ainsi gagner du temps sur la période « d’après » jusqu’au divorce officiel. Le résultat du vote qui avait déjà été anticipé crée pourtant un fort choc par son résultat et accentue l’incertitude sur le sort du Brexit à trois mois de la date butoir du divorce. La forte opposition, 432 voix contre et 202 pour, pour l’accord promu par Theresa May montre que la problématique du Brexit est l’une des crises les plus singulières qu’a traversé le Royaume-Uni moderne.

Le vote qui a lieu à 20h45 va révéler que même dans la coalisation gouvernementale, de nombreux députés vont rejoindre l’opposition par un vote « NO ».

L’explication à une telle opposition serait qu’en essayant de créer un accord le plus équilibré possible entre les opinions des deux camps, Theresa May ait promu un accord en demi-teinte ne satisfaisant aucune majorité parlementaire, même bien au contraire. On remarque que dans la crise que traverse le Royaume Uni, les deux camps formés en 2016 aux visions radicalement opposées, vont se rejoindre le jour du vote. Les deux bords les plus extrêmes de cette crise vont voter pour la même chose, soit « NO ». En effet, les pro-Européens ne veulent pas de séparation et pour les « hard-Brexiters », les accords sont bien trop europhiles. Finalement, la frange la plus modérée qui vota pour l’accord de Theresa May ne compte pas assez d’adhérents pour peser dans la balance.

Comme prévu par l’amendement du 9 janvier dernier, le gouvernement se doit de présenter un « plan B » sous trois jours. Pour ce faire, Theresa May retournera à Bruxelles pour demander une réouverture des négociations, lesquelles seront refusées par le conseil Européen.

En réaction à la défaite de Theresa May lors de ce vote, une motion de censure est déposée dans le respect du parlementarisme britannique par un député travailliste du nom de Jeremy Corbyn et qui doit être débattue le 16 Janvier soit le lendemain. Cette motion de censure pousserait Theresa May à la démission si celle-ci est validée par une majorité au parlement britannique.

 

16 janvier 2019 : Theresa May est réconfortée dans son rôle de Première Ministre

 

La motion de censure n’aboutit pas malgré le peu de popularité de Theresa May. Pour la plupart des députés, de nouvelles élections ne feraient que fragiliser la position britannique face aux européens et Theresa May est la personne la plus apte à terminer les négociations commencées en 2016. Cette motion est rejetée par 325 parlementaires contre 306.

                         Theresa May le 16 janvier 2019 recevant de nouveau la confiance du parlement

Le « plan B » nécessaire au respect de l’amendement du 9 janvier 2019 n’est pas proposé dans les délais prévus mais Theresa May annonce l’ouverture de réunions entre le gouvernement et les principaux mouvements d’oppositions afin de déterminer la future position du gouvernement britannique et la liberté de manœuvre dont Theresa May dispose. Face à l’incertitude générale, les membres européens se préparent à un « NO DEAL ».

 

29 janvier 2019 : La reprise mitigée du processus de divorce par les parlementaires britanniques

 

Le gouvernement de Theresa May ne proposant pas d’alternative à l’accord non ratifié, les députés de Westminster tentent de reprendre la main sur des accords entérinés en novembre dernier. La chambre des communes adopte donc deux amendements qui pour le premier, exclut par principe une sortie de l’Union Européenne sans accord mené notamment par un groupe parlementaire de députés travaillistes et le second stipulant qu’aucun accord ne sera ratifié si le « back stop » tant problématique n’y figure pas. Il s’agit là de la preuve concrète du positionnement favorable de Westminster sur le retour d’une frontière solide entre l’Irlande du Nord et la République d’Irlande.

Theresa May s’oppose au second amendement. Elle énonce sa volonté de réouvrir les négociations avec l’union européenne et précise qu’elle est profondément contre la volonté du Parlement de revenir sur le « back stop » entre les deux Irlandes.

La position Européenne est plus radicale sur ce point car aucun des 27 membres n’a envisagé d’aller dans le sens des Britanniques. Pour les représentants de l’Union, le rétablissement d’une frontière physique entre les deux régions d’Irlande serait très préjudiciable au calme social actuel, promu avec l’espace Schengen. Il y a une semaine à Chypre, Le président français énonçait sa volonté de ne pas rouvrir les négociations et de présenter un front européen uni et ferme.

 

Des futurs possibles pour le Brexit

 

Pour éviter un divorce brutal le jour de la date butoir, les parlements européen et britannique doivent valider avant le 29 mars 2019 un accord de sortie et une déclaration politique qui encadreraient les futures négociations.

  Entre le 29 mars 2019 et le 31 décembre 2020, le Royaume-Uni entrerait alors dans une période de transition de deux ans afin d’envisager concrètement les futures relations économiques et diplomatiques entre le Royaume-Uni et l’Union Européenne.

– Si pour diverses raisons, aucun accord n’est signé avant le 29 mars, le scénario du « NO DEAL » deviendrait alors réel et le Royaume-Uni sera considéré comme un Etat tiers dès le 30 mars. Ses relations avec l’Union Européenne seraient égales aux relations que l’Union Européenne entretient aujourd’hui avec l’Australie par exemple.

 

 

DOSSIER SPÉCIAL DIXIÈME ANNIVERSAIRE 2009-2018

   Dix ans en Amérique : États Unis  

 

Juliette Hart, Sophie Ehrlich-Adam, élèves au Lycée Rochambeau, Washington DC.

 

Le vote communautaire dans les élections présidentielles américaines

 

B. Obama; 8 ans à la présidence des États-Unis, D. Trump, à l’heure actuelle au “midterm” d’un premier mandat

 

Au cours des dix dernières années, deux présidents ont été élus à la tête des États-Unis. À « gauche », le démocrate Barack Obama, et à « droite », Donald Trump, le candidat du parti républicain lors de l’élection de 2016. Le profil de l’électorat diffère : on constate que 13% des africains américains et 54% des blancs caucasiens ont voté pour B. Obama ; D. Trump a lui recueilli, respectivement  57% et 8% des suffrages de ces deux catégories.

Dans un pays marqué par des clivages raciaux, genrés et politiques, ces deux « head of state » ont dirigé les États-Unis à leur manière, en tenant compte de leurs propres intérêts et de la situation internationale. .

Dossier spécial dixième anniversaire 2009-2018

  Dix ans en Amérique : Colombie 

 

Santiago Lopez A., élève de Première, Bogotá

 

La Tragédie de Mocoa en 2017

 

Dans la nuit du 1er Avril 2017, Mocoa, la capitale du département de Putumayo, a subi une tragédie sans précédent. A la suite d’une avalanche, provoquée par des pluies diluviennes et au débordement des rivières (Mocoa, Mulato et Sancoyaco), la ville de Mocoa, située au confluent des trois rivières a été détruit par la force de l’eau. Au total, on a dénombré 330 morts, 76 personnes disparues et plus de 1000 victimes.

 

Au-delà de l’effroi, la catastrophe a mis en évidence l’incapacité des autorités locales de Mocoa et de Putumayo, à la prévenir. Pourtant, le 26 août 2016, l’entreprise Biomad avait publié une étude de risques, alertant des dangers liés aux phénomènes naturels sur ce site. Mais la ville est située dans une des régions les plus périphériques et les plus pauvres de Colombie. Les autorités locales sont restées très démunies, et n’ont pas obtenu l’attention suffisante du gouvernement à Bogota.

 

Cependant, le gouvernement de l’ex président Juan  Manuel Santos, a prouvé sa capacité à réagir au tragique événement, avec le déploiement de secouristes, de forces de police et de l’armée qui ont apporté une aide à la hauteur des besoins. Néanmoins, on peut regretter que les pouvoirs publics ne soient pas parvenus à prévenir cette tragédie.

Source: Rfi

Cette catastrophe a bouleversé le pays et restera sans doute l’une des pires de l’histoire de la Colombie. Le drame ayant été largement relayé par les médias du monde entier, l’aide internationale s’est rapidement mobilisée, provenant de Chine, des Émirats Arabes ou d’Espagne. Les fonds ont servi pour aider à la reconstruction de la ville et aider les victimes de Mocoa.

 

Aujourd’hui, un an après la tragédie, Mocoa poursuit ses efforts de reconstruction, mais les habitants continuent à subir le traumatisme et les pénuries. Malgré tout, les gens gardent espoir pour l’avenir de leur ville en observant les travaux de reconstruction des infrastructures, des ponts, et des aménagements pour prévenir de nouveaux phénomènes climatiques.

Dossier spécial dixième anniversaire 2009-2018

  Dix ans en Amérique : Colombie 

 

Darius Harnisch, élève de Première, Bogotá

 

La crise diplomatique “des Andes” de 2008 entre la Colombie, l’Équateur et le Venezuela

 

Le 1er mars 2008, l’armée colombienne a lancé une attaque contre les FARC , organisation révolutionnaire terroriste d’origine colombienne qui luttait contre son gouvernement, dans la région frontalière entre la Colombie et l’Équateur, et qui s’est soldée par la mort de quelques 19 guérilleros, dont le commandant en second du groupe, Raul Reyes, et un soldat colombien. L’attaque visait un camp de guérilla situé à 1,8 km à l’intérieur du territoire équatorien.

L’histoire de l’Amérique latine est profondément marquée par des conflits territoriaux entre états souverains, c’est une histoire confuse,, marquée par des guerres et la formation d’empires, comme la “Gran Colombia” de Simon Bolivar qui réunissait ces trois patries fraternelles. Aujourd’hui, il y a toujours des tensions frontalières, idéologiques, politiques et militaires entre chacun de ces trois pays aux couleurs jaune, bleue et rouge.

Le gouvernement de l’Equateur, à l’époque, représenté par Rafael Correa et son alliance avec différents partis de gauche était fortement opposé au gouvernement colombien de droite, voire de droite radicale d’Alvaro Uribe. Deux pays démocratiques malgré tout, voisins directs ou indirects de la République Bolivarienne Socialiste du Venezuela, moins démocratique et son dirigeant, Hugo Chavez.

La situation était donc déjà fortement problématique par les différentes orientations politiques des gouvernements, mais l’invasion accidentelle des soldats colombiens en territoire équatorien fut, en effet, la goutte qui a fait déborder le vase de la normalité diplomatique du voisinage colombien.

 

Dénommée “Guerre Froide des Andes” par des spécialistes européens, cette crise diplomatique représentait grossièrement une succession de disputes verbales, de malentendus, de menaces et d’exagérations entre chefs d’états. Le président colombien, Álvaro Uribe, a appelé le président équatorien Rafael Correa, comme dans un scénario de type  “téléphone rouge”, affirmant que les forces colombiennes avaient franchi la frontière au cours de combats à la poursuite des soldats de l’organisation “terroriste”, selon Uribe, des FARC (Forces Armées de Révolution Colombienne). Correa, ouvertement opposé au gouvernement d’Uribe et méprisant ses actions en tant que président de droite radicale,  a déclaré qu’il enquêterait sur les événements. Par la suite, il a accusé le président colombien de l’avoir  mal informé ou de lui avoir menti.

 

Mais pourquoi attaquer quelqu’un qui s’excuse déjà formellement auprès de vous? A part l’opposition idéologique apparente entre gouvernements des deux états, Correa avait-il d’autres motivations pour dénoncer les actes de l’armée Colombienne?

 

L’accusation était basée sur les informations fournies par l’armée équatorienne dans la zone bombardée, décrivant ce que Correa a appelé plus tard un « massacre » des soldats révolutionnaires. Selon le président équatorien, des corps vêtus de sous-vêtements ou de pyjamas auraient été retrouvés dans le camp des guérilleros, ce qui indiquait  directement qu’ils dormaient au moment du bombardement aérien (et non lors d’une attaque au sol) et qu’il n’y avait pas eu de « poursuites » comme l’avait informé le président Uribe quelques heures plus tôt.

 

Correa laissait apparaître sa rancune, mais après tout, sa motivation était justifiée,  car son pays avec clairement été attaqué, d’une certaine manière. L’armée colombienne n’avait absolument pas le droit de franchir la frontière.  Normalement, c’était un acte de guerre et une flagrante offense à l’Équateur. Cependant, si cela était  pour défendre sa propre patrie contre une organisation terroriste, les causes et effets de cette attaque colombienne devraient-ils être mis en perspective et reconsidérés par Correa?

 

Les informations autour de cette affaire sont restées confuses. Les reportages à contenu subjectif ont été influencés par les différents pays et selon leurs affiliations politiques. Tout de même, le déroulement de base est connu, ou au moins un scénario de celui-ci: les soldats colombiens ont franchi la frontière de l’Équateur. Ce qui était  une violation de la souveraineté de l’Équateur. Mais le problème n’était pas pour autant  réglé car il fallait s’interroger sur l’essence du groupe révolutionnaire qui était à l’origine de cette guerre et qui a lutté pendant 50 ans contre le gouvernement colombien. Les FARC pouvaient-ils être qualifiés de terroristes et quelles relations ce mouvement communiste entretenait-il avec le gouvernement de gauche de l’Équateur?

 

Après ses accusations et plaintes envers la Colombie, le président équatorien a alors décidé de rappeler son ambassadeur à Bogotá pour des consultations. Le gouvernement colombien a par la suite présenté ses excuses pour ses actes mais a pourtant accusé le gouvernement équatorien de servir de base arrière pour les FARC.

L’Organisation des États américains a autorisé une mission Colombie-Équateur qui proposait ses bons offices pour promouvoir le rétablissement de la confiance entre les deux gouvernements ainsi que la  prévention et la vérification de tout incident frontalier.

 

Alors que l’on pensait la crise résolue, un autre acteur fit son apparition, en la personne du président du Venezuela, Hugo Chavez. Par opportunisme, il vit dans cette affaire une occasion pour dénoncer son “ennemi idéologique”, le président de la Colombie. Hugo Chávez, a déclaré que si la Colombie lançait une opération similaire à l’intérieur des frontières du Venezuela, il la considérerait comme un casus belli, donc un acte qui causerait directement la guerre, et attaquerait en riposte la  Colombie. Dans la foulée, Chávez a envoyé dix bataillons de la garde nationale vénézuélienne à la frontière entre la Colombie et le Venezuela et a fermé son ambassade à Bogotá. Percevant une opportunité d’alliance et d’amitié avec un pays voisin, Chávez a également offert son soutien au président équatorien Correa.

 

Il faut rappeler que tout cela s’est fait en l’espace de deux jours, mais l’affaire était loin d’être finie. Les relations diplomatiques avec les voisins plus proches de la Colombie se sont donc aggravées considérablement par la suite. Mais le gouvernement colombien trouva une manière de se défendre et de retourner le débat contre l’Équateur et le Venezuela.

Lors d’une conférence de presse tenue le 3 mars 2008, le chef de la police nationale colombienne, Oscar Naranjo, a déclaré que leurs services de renseignement avaient retrouvés trois ordinateurs de Raúl Reyes contenant des informations détaillées établissant une relation étroite entre les FARC et les gouvernements de Hugo Chávez et Rafael Correa. Le chef de la police a expliqué que ces documents prouvaient que le gouvernement équatorien avait convenu avec le général des FARC, Reyes, de lui fournir un sauf-conduit sur le territoire équatorien. Il a également accusé le Venezuela d’avoir prévu de déstabiliser le gouvernement colombien et de fournir de l’uranium aux FARC pour produire une bombe.

 

Une grave crise diplomatique entre les trois gouvernements  émergea à la suite de ces évènements.
En réponse à l’attaque très audacieuse du gouvernement colombien, le gouvernement équatorien nia clairement ces affirmations, en dénonçant la méconnaissance du gouvernement colombien sur les relations entretenues avec les FARC, à visée purement humanitaires, selon lui.

Le gouvernement vénézuélien, à son tour, a rejeté les accusations en disant de manière sarcastique que, de ces ordinateurs sortirait chaque document que le gouvernement colombien jugerait nécessaire.

Lors d’une visite au Brésil, Correa essaya de convoquer la scène internationale comme juge, en faisant une comparaison avec la France. Correa souligna que le président de l’époque, Nicolas Sarkozy, était également en contact avec les FARC, sans que personne ne songe à l’accuser d’une quelconque complaisance à leur égard.

Le doute a persisté sur le véritable contenu des ordinateurs, néanmoins certaines informations auraient aidé l’armée colombienne à éliminer deux généraux des FARC.

 

En réponse à la crise, le gouvernement équatorien de Rafael Correa a décidé de mettre fin à toute relation diplomatique avec la Colombie. Il ordonna la fermeture de l’ambassade équatorienne en Colombie l’expulsion de l’ambassadeur de Colombie. L’équateur a porté plainte contre la Colombie devant les instances juridiques de l’organisation des états américains, ainsi que des familles équatoriennes, qui accusaient l’armée colombienne d’avoir assassiné des équatoriens.

 

Cet événement fut désastreux pour les relations bilatérales des deux pays. La Colombie et sa politique extérieure sont restées marquées par le scepticisme vis à vis des informations et des motivations des gouvernements alentours. Avec une relation déjà difficile avec ses voisins à l’est, le gouvernement d’Uribe subit encore la perte de confiance d’un allié historique au Sud, et cela a plombé les relations régionales pendant une dizaine d’année Ces évènements ont également eu des répercussions internes en aggravant les tensions et la guerre civile.

 

La crise diplomatique des Andes fut réglée par l’administration du président Santos, et l’année dernière, la plainte équatorienne a été retirée de la cour inter-américaine de justice. Cependant, les relations sont restées tendues entre la Colombie et le Venezuela.

Dossier spécial dixième anniversaire 2009-2018

   Dix ans en Amérique : Colombie 

 

Natalia Ortiz Betancourt, élève de Première, Bogotá

Crónica de una crisis anunciada

Chronique d’une crise annoncée

 

Selon les chiffres du service de l’immigration colombien, 935 593 Vénézuéliens sont aujourd’hui dans le pays. Cette migration en provenance du Venezuela a augmenté considérablement les dernières années de la présidence d’Hugo Chavez. A partir de 2005, 18 000 travailleurs dans le secteur pétrolier ont été licencié, et  la politique de forte  redistribution de la richesse aux pauvres, a fait que dans ces deux cas, la classe moyenne et la classe aisée ont été les plus affectées. C’est à ce moment-là que la présence de vénézuéliens en Colombie a commencé à grandir.

 

Mais aujourd’hui, la majorité des personnes touchées sont issues de la classe moyenne et la classe défavorisée: crise économique, instabilité politique, pénurie de produits de base et hyperinflation ont poussé le peuple à  migrer vers les pays voisins, provoquant une émigration massive.

L’inflation au Venezuela pourrait atteindre 1 000 000% à la fin de 2018. Un kilo de viande coûte 9 500 000 bolivars sur un marché de Caracas, alors que le salaire minimum est de 3 000 000  de bolivars, soit environ 0,89 USD.

C’est pourquoi, cette crise Vénézuélienne oblige des milliers de citoyens à partir à la recherche de nouveaux horizons et, à trouver en Colombie une première destination ou un pont pour aller s’installer dans d’autres pays. Mais à cause de cela, aujourd’hui, la Colombie souffre des conséquences tant économiques que sociales.

Le nombre de Vénézuéliens à la recherche de travail est en hausse chaque jour, de sorte que l’offre des citoyens vénézuéliens sur le marché légal ainsi qu’illégal se répercute sur la société Colombienne. L’une des premières conséquences est la détérioration des salaires des Colombiens, en particulier dans les tâches agricoles et dans les zones frontalières. Une autre conséquence de cette immigration massive est la détérioration de la sécurité des citoyens.

 

En effet, la pression sur le système de santé s’accroît. Nombre de migrants arrivent dans des conditions déplorables, souffrant de malnutrition, principalement chez les enfants. Par ailleurs, des maladies telles que le paludisme, la dengue, la tuberculose, la leishmaniose et la rougeole ont déjà fait leur apparition dans les zones frontalières du pays. Ces maladies, dont beaucoup sont épidémiques représentent un risque pour la population colombienne mais aussi, engendre une hausse des dépenses et une détérioration des services.

 

Mais même si cette immigration vénézuélienne à des conséquences sur le plan social et économique, une grande partie de la population colombienne refuse l’idée de fermer la frontière ou l’idée de renvoyer les migrants chez eux. Les colombiens se souviennent que dans un passé récent, le Venezuela avait  aussi ouvert ses portes aux migrants colombiens, aux prises avec la guerre civile et la misère. Le fait que les migrants n’aient  pas d’emplois, ni de nourriture ni des médicaments, n’est pas raison pour les marginaliser. Au contraire, un récent sondage (source: Reportero24) indique que la population souhaite majoritairement que le gouvernement colombien mette en œuvre un plan d’aide spécifique pour les vénézuéliens, et pour un tiers des sondés, un programme d’aide humanitaire. Ces deux dispositifs ont déjà été engagés par les pouvoirs publics.

Dossier spécial dixième anniversaire 2009-2018

  Dix ans en Amérique : Colombie  

 

Mariana Marquez, Emanuel Morales, Maria Paz Rodriguez , élèves de Première, Bogotá

 

Los falsos positivos, l’affaire des “faux positifs”

 

La Colombie garde encore une image de pays violent, à cause d’une guérilla menée pendant plus de cinquante ans. Ce que l’on ignore souvent c’est que la violence n’était pas seulement unilatérale, puisqu’elle a aussi été mise en œuvre par l’État colombien et la force publique.

En 2006, Colombie ressemblait à une dystopie avec un conflit qui ne paraissait jamais finir. Le narcotrafic était présent dans nombreuses zones du pays, le conflit armé s’aggrava entre groupes de la guérilla tels que l’ELN et la FARC, puis, le pays connut une recrudescence des massacres et des violations des droits de l’homme de la part de ces groupes armés. Avec un tel niveau de tension, le président Alvaro Uribe fit promulguer un décret qui consistait à rétribuer financièrement, ou par divers avantages, la force publique et le Département Administratif de Sécurité (DAS) pour capturer ou tuer ou des membres de la guérilla. Ce “Décret de Boina”, adopté le 5 mai 2006, avait un double objectif: Celui de motiver les forces armées colombiennes, et produire des chiffres pour montrer aux Colombiens les progrès dans la lutte contre la guérilla. Un an plus tard, le 12 mai 2007, ce décret a été aboli, car il fit l’objet d’une importante controverse.

En effet, peu après sa mise en place, les habitants des régions rurales se sont inquiétés du nombre anormal de disparitions de personnes. Des signalements ont été effectués auprès des pouvoirs publics, mais sont restés sans réponse.  Les régions les plus touchées étaient les départements d’Antioquia et de Cundinamarca, plus précisément dans la municipalité de Soacha, une des plus peuplées où l’insécurité, les échanges illégaux et la pauvreté sont importants et  mettent en danger leurs habitants. Environ 12 jeunes issus d’un quartier miné par la drogue, la prostitution, l’alcool, la famine… décident pour sortir de cette misère, de s’enrôler dans l’armée. Mais quelques jours plus tard, ces jeunes sont retrouvés morts et déguisés en guérilleros.

Selon la version du Palais de Justice de Soacha où ont eu lieu les procès contre les recruteurs, ces jeunes ont probablement été abattus par des soldats pour récupérer une prime au titre de l’élimination de guérilleros (d’où le nom de faux positifs) et non pas lors d’un affrontement contre la guérilla.  Aujourd’hui, les mères de ces jeunes, appelées les mères de Soacha, essayent de maintenir le souvenir de leurs fils, et demandent toujours que toute la lumière soit faite sur ces disparitions, dans lesquelles la hiérarchie militaire nie toute responsabilité.

 

Brexit ou l’exit d’un Royaume-Uni divisé (4/4)

Louis G.K.Ferrand, Bogotá 

 

Des europhiles descendent dans les rues de Londres

Le samedi 20 octobre dernier, a eu lieu une manifestation monstre dans un Royaume peu enclin à ce genre de rassemblements. En effet, ce rassemblement a regroupé près de 570 000 personnes selon les diverses associations, la police londonienne n’a quant à elle pas communiqué de chiffre. Différents journalistes parlent du plus gros rassemblement dans la capitale britannique depuis la manifestation contre la guerre en Irak en 2003. A l’appel de plusieurs associations europhiles, ce demi-million de personnes manifeste un véritable coup de force en opposition au Brexit. La revendication          principale de ces manifestants est l’organisation d’un second référendum.

 

Ce mouvement de contestation du Brexit est principalement actif dans les grandes villes telles que Londres où les scores pro Européens ont été les plus élevés (près de 60 %) supérieurs aux scores écossais et même d’Irlande du Nord. Ce mouvement est très peu politisé, les seuls partis d’envergure qui soutiennent ce mouvement sont le SPN écossais, les libéraux démocrates et le DUP d’Irlande du Nord.

On trouvait dans la manifestation, des hommes politiques reconnus tels que l’actuel maire de Londres Sadiq Khan mais également certains députés. Deux ans après le référendum remporté à 52% par les pro-Brexit, les Britanniques restent divisés et le rapport de force n’a guère évolué, bien que les conséquences du Brexit restent toujours aussi floues.

                          Manifestation Pro-Européenne devant Westminster le 20 octobre 2018 à Londres

Un sondage réalisé par le site de sondage « Survation » démontre cette semaine, que 48% des britanniques seraient favorables à la tenue d’un second référendum sur l’accord de sortie de l’UE alors que 25 % y seraient hostiles.

Les différentes figures pro Europe se sont organisées dans le courant des mois de septembre à octobre. « Il est temps que nous reprenions le contrôle », a lancé à la foule le maire travailliste de Londres, Sadiq Khan. « Il est clair que nous sommes les plus nombreux », a déclaré sur l’estrade la députée conservatrice pro-UE Anna Soubry. Le camp écossais pro-Euro (SNP) a également annoncé sa volonté de voter pour l’organisation d’un second référendum si la question était posée à Westminster. Il est à noter que le groupe SNP représente 35 sièges sur les 650 sièges du Parlement à Westminter.

                                      Caricature parue dans le Times, par David Simmonds

Mais les Britanniques ont voté pour « se libérer des carcans réglementaires et des normes de l’UE », et toute autre formule, telle que le maintien au sein du marché unique ou de l’union douanière, serait malvenue, juge son l’ex ministre des Affaires étrangères, Boris Johnson, dans une tribune publiée par le Sun.

Malgré ces manifestations europhiles, la position de Theresa May ne risque pourtant pas de changer. En effet, elle martèle à chaque fois quand la question d’un second référendum lui est posée que « Les gens ont voté ». L’idée d’un tel référendum, 2 ans après le premier a en effet gagné beaucoup de popularité ces derniers mois en Angleterre et de nombreuses figures politiques influentes ont notamment rejoint cette cause telle que l’ex Premier ministre, Tony Blair. Theresa May est déterminée à mettre en œuvre les résultats du référendum qui l’ont amené au pouvoir.

Enfin, on voit que malgré l’importante mobilisation europhile de la population londonienne, peu d’acteurs politiques d’envergure se sont réellement mobilisés pour la promotion de ce second référendum.

 

Deux ans après le référendum d’autodétermination au Royaume Uni pour connaître la volonté de ces habitants à propos de sa place au sein de l’Union Européenne, personne ne sait où le pays va et les fractures régionalistes atténuées par l’Union Européenne, ont repris de l’ampleur.  Le gouvernement conservateur qui avait anticipé cette victoire du « Out » comme une consolidation des politiques menées auparavant, a pourtant obtenu des résultats très médiocres aux élections anticipées de juin 2017, élections législatives qui ont vu une perte de 12 sièges par le parti conservateur et une augmentation de 33 sièges pour le parti travailliste. Le gouvernement de Theresa May est profondément affaibli, tiraillé entre les partis du Brexit et ceux du « Remain » au sein même du parti conservateur. David Cameron qui avait milité contre le Brexit reste un membre influent de ce Parti. Le gouvernement actuel doit aussi encaisser la pression politique exercée par un parti travailliste qui a le vent en poupe, consolidé par une victoire d’un nombre important de sièges au Parlement de Westminster.

On assiste depuis 2016 et le référendum d’autodétermination à un accroissement du nombre de crises politiques au Royaume Uni. La figure de Theresa May qui avait été portée au pouvoir dans un seul but, celui de réaliser les résultats du référendum n’est pas assez forte, selon ses adversaires, pour continuer à mener le débat entre l’Union Européenne et le Royaume Uni. Certains parlent de Theresa May comme de l’un des Premiers ministres les plus incompétents de l’histoire récente.

Néanmoins, Theresa May, très résiliente, est parvenue le dimanche 25 novembre à la signature d’un traité de Brexit avec les 27 pays de l’Union européenne. Mais son entrée en vigueur dépend encore de sa ratification par le Parlement britannique. Il s’agit sans doute de la partie la plus difficile pour Theresa May.

 

 

 

 

Brexit ou l’Exit d’un Royaume Uni divisé (3/4)

Louis G.K.Ferrand, Bogotá 

 

L’Écosse

Une autre région où les volontés d’indépendance sont très présentes est bien entendu l’Écosse. Ce projet d’indépendance est porté par le parti SNP (Parti National Écossais) majoritaire au Parlement écossais et au pouvoir en Écosse.

On peut voir dans les votes du référendum pour l’auto-détermination, une grande fracture entre la région écossaise et le reste du royaume. Les écossais ont majoritairement voté (62%) pour rester dans l’union européenne mais ce vote europhile n’a pas pu faire pencher le référendum vers une décision de rester dans l’union européenne. En effet l’Écosse, ne représente que 2 679 513 votes sur les 33 551 983 que compte au total le Royaume Uni.

 

Le Brexit pose un énorme problème et  ravive des volontés indépendantistes en Écosse car c’est une région autonome du Royaume Uni et qui possède son propre parlement. Celui-ci est majoritairement indépendantiste. Le parlement compte sur ses 129 sièges au total, 63 sièges en faveur du parti SNP profondément indépendantiste et 6 sièges sont occupés par le Parti Vert également en faveur de l’indépendance et de la décentralisation. Ce qui représente une majorité.

 

 

Manifestation pro-européenne à Édimbourg en 2017

 

Depuis le référendum de 1997 qui déboucha sur le « Scotland Act » signé en 1998, le parlement écossais est autonome par rapport au parlement britannique. Le « Scotland Act » a donné au parlement écossais, les pouvoirs législatifs auparavant dévolus au Parlement britannique. « The Scottish Parliament » peut donc voter ses propres lois. En réalité, le rôle principal de ce parlement est de décider si oui ou non, toutes les lois votées par le Parlement Britannique doivent être appliquées en Écosse. Le Parlement Britannique se réserve le droit d’amender certaines lois du Parlement Écossais, et de réduire le champ de ces domaines de compétences. C’est en quelque sorte, une liberté et autonomie conditionnelle.

Le mardi 15 mai 2018, le parlement écossais a rejeté le projet de loi britannique qui organise la sortie du Royaume Uni de l’Union Européenne. Il s’agit d’une première qui pourrait déboucher sur une crise constitutionnelle. Une coalition s’est ainsi formé avec comme chef de file le Parti national écossais, parti majoritaire et actuellement au pouvoir lui-même appuyé par le Parti travailliste, les Libéraux-démocrates et les Verts face au Parti Conservateur. Le Parti Conservateur est la branche écossaise du Parti Britannique favorable à Londres et contre l’indépendance de la région écossaise du Royaume Uni. Les parlementaires écossais ont donc adopté une motion par 93 voix contre 30 qui refuse de consentir au projet de loi mené par Theresa May organisant la sortie du Royaume Uni de l’Union Européenne.

 

Discours pro-européen de Nicola Sturgeon devant  le Parlement écossais le 13 mai 2018

 

Les principales crispations entre Londres et Édimbourg tournent autour des futures répartitions des différents pouvoirs. En effet, comme l’Écosse est une région autonome, elle doit pouvoir prétendre à une autonomie certaine. Mais dans l’amendement de la loi du Retrait qui voudrait organiser la sortie du Royaume Uni rédigée par Londres, il n’y a aucune reconnaissance de cette autonomie, autonomie actuellement respectée selon les accords signés avec l’Union Européenne. Cette répartition des différents pouvoirs entre le Parlement Anglais et les différents Parlements régionaux, n’est pas seulement accordée à l’Écosse mais aussi au pays de Galles et à l’Irlande du Nord. Cette autonomie des régions était présente dans de nombreux domaines tels que la pêche, l’agriculture, l’environnement, la justice et l’éducation. Des domaines spécifiques dans lesquels il y avait des responsabilités décentralisées. Le Parti indépendantiste écossais se plaint du non-respect du consentement du parlement écossais notamment sur la politique future des accords commerciaux dans la loi de retrait de la part du gouvernement de Theresa May.

 

Le Parlement écossais qui s’est senti dupé par le Parlement Anglais, a amendé une loi « d’urgence » qui donne au gouvernement écossais la possibilité de rester cohérent avec l’Union Européenne, malgré le Brexit . En clair, cette loi pousserait l’Écosse un peu plus vers l’indépendance. Des pouvoirs auparavant dévolus à Londres, seraient dorénavant attribués à Édimbourg. Mais pour que ce bouleversement constitutionnel puisse être effectif, il faudrait que le parlement de Westminster le valide. Or, depuis le référendum de 1997, le parlement écossais est en mesure d’émettre ces propres lois, conférent ainsi une certaine autonomie écossaise par rapport à Westminster. En ne reconnaissant pas cette loi et en refusant de l’amender, le parlement britannique pourrait ainsi causer une crise constitutionnelle.  La porte parole du parlement écossais précise que dans les négociations avec l’UE, « le Royaume-Uni veut juste nous consulter, alors que la Constitution (Écossaise) nous donne le droit au consentement. »

L’objectif de cette coalition n’est pas d’empêcher le Brexit car il a été voté, mais de défendre aux mieux les intérêts de l’Écosse, qui voit, il est vrai, un avenir plus radieux dans une aventure européenne. Les écossais ont majoritairement voté pour rester dans L’Union Européenne. Leurs principales revendications étant de rester dans le marché unique et dans l’union douanière.

Un « hard » Brexit aurait en effet des conséquences très néfastes pour l’Écosse, ils ont donc tout intérêt à négocier une transition en douceur et non à une rupture brutale. La plupart des économistes écossais sont d’accord pour chiffrer une baisse de 9% du PIB sur les prochaines décennies de l’économie régionale écossaise avec un « Hard Brexit». Mais c’est également sur le tourisme et les échanges culturels et intellectuels que les manques seront les plus grands, dénonce un député du parti Vert. Des aides ont déjà été mises en place pour pallier à la crise qui selon eux devrait avoir lieu avec le Brexit, notamment un maintien annoncé du programme qui permet aux étudiants européens de venir étudier en Écosse sans payer des frais d’inscriptions supplémentaires.

Avec une coalition puissante menée par un parti profondément indépendantiste au pouvoir, se pourrait-il que des résurgences indépendantistes liées à l’échec du référendum de 2014 puissent apparaître et devenir une menace pour un Royaume unifié ?

Brexit ou l’Exit d’un Royaume Uni divisé (2/4)

Louis G.K.Ferrand, Bogotá 

 

L’Irlande

Les plus grosses tensions se trouvent sur la frontière entre la République d’Irlande et la région d’Irlande du Nord rattachée au Royaume Uni. Ces tensions sont directement reliées à la guerre civile d’Irlande du Nord qui se serait terminée selon les différentes interprétations, en 1997 ou 2007 à la suite de la signature d’un accord de paix et de désarmement avec différents groupes non étatiques militants pour l’indépendance de l’Irlande du Royaume Uni et son rattachement à l’état d’Irlande.

 

Les tensions sont toujours présentes en Irlande du Nord, notamment d’ordre confessionnel et communautaire. En effet, on peut encore assister à des scènes dignes des troubles secouant l’état d’Israël causés par la problématique Palestinienne. On peut voir au détour d’une rue de la « capitale » de l’Irlande du Nord, Belfast, des immenses murs en béton d’une dizaine de mètres de haut… du même type que le mur séparant la bande de Gaza d’Israël. Ces murs nommés « Peace Walls », sont des murs assurant une séparation distincte des quartiers catholiques et protestants, leur destruction est programmée pour dans 10 ans. Leurs rôles étaient de protéger les différents quartiers des violences provoquées par les autres quartiers environnements.

Ces murs nommés « Peace Walls », sont des murs assurant une séparation distincte des quartiers catholiques et protestants, leur destruction est programmée pour dans 10 ans. Leurs rôles étaient de protéger les différents quartiers des violences provoquées par les autres quartiers environnements.

 

On peut comprendre que dans un tel contexte, le rétablissement d’une frontière physique impliquant des douanes et des contrôles entre l’Irlande du Nord et la république d’Irlande pourrait raviver les problématiques d’indépendance et de communautarisme. Certains groupes tels que la

« Continuity Irish Republican Army » ou bien « La Real Irish Republican Army » continuent toujours la lutte armée car ils ne sont pas signataires du Traité du Vendredi Saint, et pourraient se faire catalyseur de la reprise de la guerre civile. Différents groupes signataires de l’IRA pourraient également se réactiver.

 

Frontière entre l’Irlande du Nord et la République d’Irlande :

Traduction :  Respecter le vote « rester ». Attention, s’il y a une frontière dure, cette route sera fermée à partir de Mars 2019. Communautés frontalières contre le Brexit 

 

 

 

La reprise d’une lutte plus active par les différentes mouvances de L’IRA ou du Sinn Féin favoriserait ainsi une dégradation des relations entre les différentes communautés catholiques et anglicanes qui sont soutenues par le gouvernement. De telles conditions sociétales pourraient voir une résurgence de différents groupes insurrectionnels et armés en Irlande. L’avantage principal pour le Royaume Uni et l’Irlande du Nord faisant tous deux partis de l’espace Schengen, signifiait qu’un citoyen du Royaume Uni n’avait pas besoin d’un visa pour pouvoir se rendre en Irlande du Nord, et inversement. La réussite des accords de paix du Vendredi Saint, en 1998, était notamment due à une démilitarisation de la frontière Anglo-irlandaise et que cette démilitarisation permit alors un libre échange total et effectif.

 

Si la procédure de sécession du Royaume Uni de l’Union Européenne est menée à son terme, c’est entre le nord et le sud de l’Irlande que se situera l’unique frontière terrestre entre le Royaume Uni et l’Union Européenne le 29 mars 2019. Mais, l’une des clauses les plus importantes de l’accord de paix entre les différentes mouvances de L’IRA et le gouvernement Britannique signé en 1998 était la totale liberté des personnes et des marchandises pour traverser la frontière entre les deux pays. Il n’existe plus aucune frontière physique à proprement parler entre les deux pays et le passage de la frontière se fait actuellement sans vraiment la remarquer.Un retour 20 ans en arrière est-il donc voulu par les deux camps ?

 

La première réaction des britanniques vint de Theresa May qui a appelé l’Union Européenne à revoir sa position sur la frontière entre l’Irlande du Nord et la république d’Irlande et à faire preuve de plus de souplesse. Le Royaume-Uni, l’Irlande et l’UE ont promis de ne pas matérialiser la frontière afin d’éviter tout possible retour à la violence entre le camp indépendantiste et le camp loyaliste à Londres.

 

En décembre dernier, lors d’un conseil européen, l’Union Européenne et le Royaume-Uni s’étaient mis d’accord sur l’absence de frontière entre les deux parties, un « back-stop », stratégie consistant à fournir un soutien faible ou une protection contre le pire, évidemment le pire étant  de raviver les tensions. Cette absence de frontière suggérait le maintien de l’Irlande du Nord dans le marché commun et l’union douanière européenne. Ce qui concrètement équivaudrait à l’instauration d’une frontière imaginaire au milieu de la mer d’Irlande et donc à une perte de la suprématie flagrante pour le Royaume Uni sur la région d’Irlande du Nord.

 

 

 

 

Caricature de Million comparant Theresa May à l’amiral Nelson face à l’Europe

 

 

 

 

Mais quelques mois plus tard, Theresa May, énonça lors d’un discours à Belfast le 20 Juillet dernier devant un publique de cols blancs irlandais, un changement de cap complet. Ce soudain revirement peut être associé à la conséquence d’un mois particulièrement tumultueux pour Theresa May durant lesquels deux des principaux ministres Pro Brexit de son gouvernement ont démissionné prétextant qu’avec la proposition de Theresa May de ce « back-stop » entre l’Irlande du Nord et la République, l’essence même de l’esprit du mouvement pro Brexit n’était pas respectée.

« Aucun Premier ministre britannique n’accepterait jamais (la division du Royaume Uni) » a-t-elle donc déclaré il y a deux mois devant ce parterre Irlandais. Cette déclaration a été suivie par la parution dans un livre blanc, de la proposition de Theresa May d’instaurer une zone d’union douanière commune entre l’Irlande du Nord et de l’UE. Mais cette zone de libre-échange n’est pas totale car elle ne sera valable que pour les biens. Les 25.363 milliards de Livres que représentent les exportations de biens anglais vers la république d’Irlande, pourrait être l’une des explications de cette « concession ». Il est certain que les services qui représentent près de 80 % de l’économie britannique n’entreront pas dans cette zone économique exclusive. Cet accord impliquerait également la fin de la libre circulation des individus des deux côtés de la frontière de l’île Irlandaise. La démission de deux de ses principaux ministres, celui du Brexit et celui des Affaires étrangères, a poussé Theresa May à un amendement à une loi sur le commerce qui rendrait illégale toute possibilité pour l’Irlande du Nord de se situer en dehors du territoire douanier britannique. La situation est donc actuellement bien plus encline à la résurgence de graves troubles en Irlande du Nord : Une position bien plus dure de la part de Londres.

 

La question reste donc en suspens.

Pour l’Union Européenne, on ne peut pas négocier l’installation d’une zone de libre-échange entre le Royaume Uni et l’Union sur la base d’une seule des quatre libertés, la libre circulation des biens, indépendamment de la libre circulation des services, des capitaux et des personnes. Surtout que dans le cas présent, l’unique bénéficiaire serait le Royaume Uni et la perte des trois autres libertés représenteraient des facteurs insurrectionnels très importants pour la reprise de troubles en Irlande du Nord. Michel Barnier, le négociateur européen a notamment ajouté « Pourquoi voudrait-on affaiblir le marché unique, qui est notre principal atout […] juste parce que le Royaume-Uni souhaite en sortir ? ».

 

 

Theresa May le 20 juillet 2018 à Belfast

 

 

 

 

Michel Barnier devant la Commission Européenne le 6 septembre 2018

 

 

 

 

Pour Theresa May, le pari est double en proposant ces mesures bien plus dures, celui de montrer à son parti conservateur déchiré que sa stratégie est la bonne et que son gouvernement et le Royaume Uni gardent encore le contrôle et restent maître des négociations. Theresa May a énoncé que « C’est désormais à l’UE de répondre. Pas simplement en retombant sur ses positions précédentes qui ont déjà prouvées qu’elles ne peuvent fonctionner. Mais en faisant évoluer sa position ».

Michel Barnier a souligné que « Le débat semble encore en cours au Royaume-Uni » à l’image du chaos au sein du gouvernement et que les propos de Theresa May n’auraient peut-être plus autant de valeur d’ici quelques mois. L’échéance de la sécession du Royaume Uni de l’Union Européenne est de plus en plus proche : le 29 mars 2019. Toutes les parties savent qu’un Brexit sans aucun accord conclu au préalable serait, économiquement, la pire des solutions.

 

Voilà maintenant deux ans que la voie du Brexit a remporté le referendum et que Theresa May est premier ministre. L’historien anglais, John Laughland estime que Theresa May, en grande difficulté chez elle, dans son propre parti et au gouvernement, comme face à Bruxelles, n’arrivera pas à négocier une sortie avantageuse pour son pays.

Brexit ou l’Exit d’un Royaume Uni divisé (1/4)

Louis G.K.Ferrand, Bogotá 

 

Le 11 juin 2016, un référendum mené par l’ex Premier Ministre, James Cameron a provoqué la sécession du Royaume Uni de l’Union Européenne après 39 années d’aventure commune. Le Royaume Uni avait sous le mandat de Edward Health, le 1 janvier 1973 rejoint la CEE. Mais de nombreuses dissensions ont perduré du fait que le Royaume Uni était principalement intéressé par les avantages économiques que représentaient une adhésion à cette zone économique exclusive et unique au monde. Les différentes transformations fédéralistes avec le traité de Maastricht notamment, ont suscité des interrogations auprès des Anglais. David Cameron premier ministre à l’époque avait, lors de sa campagne de réélection en 2015, obtenu des reports de vote en exprimant sa volonté de mener un référendum d’autodétermination sur la question Européenne. L’objectif était d’obtenir pour son parti, les conservateurs et avec l’aide nouvelle de L’UKIP (  ) de Nigel Farage profondément eurosceptique, une majorité au parlement et ainsi pouvoir maintenir son poste de Premier Ministre.

 

Pourtant 1 an après, la place du Royaume Uni dans l’Union Européenne, semblait nécessaire pour David Cameron, qui devient alors l’une des figures majeures de la campagne en faveur du vote In (rester). En opposition à l’opinion de David Cameron sur la question, les anglais choisirent à 51,9 pour cent des voix exprimées de quitter l’Union Européenne. Par conséquent, David Cameron, maintenu au siège de premier ministre avec la promesse de ce référendum, démissionna dans la matinée du 24 juin sur le perron du 10 Downing Street tout en regrettant le choix d’une majorité d’anglais « Je ne crois pas qu’il serait bon pour moi que je sois le capitaine qui dirige le pays vers sa destination ». Laissant trois mois à son futur successeur d’engager le processus de désengagement du Royaume Uni de L’UE, Théresa May, issue du parti Conservateur, fut désignée, seconde femme à occuper le siège de premier ministre et inscrite dans la lignée de Margaret Thatcher contre la promotion d’une Europe libre-échangiste au sein de la communauté économique européenne, 28 ans plus tard.

 

                Carte réalisée par le Figaro annonçant les résultats du référendum d’autodétermination de 2016

 

Malgré des problèmes économiques résultant d’une chute du cours de la Livre de 25 pourcents depuis janvier 2016 face à l’Euro, notamment liée aux différents acteurs qui voient dans la sortie du Royaume Uni de l’Union Européenne une baisse de sa croissance, c’est sur le plan politique que cette sortie pose actuellement les plus gros problèmes au gouvernement de Theresa May. Des problèmes faisant resurgir des velléités d’indépendance au Royaume Uni et le réveil d’une jeunesse étudiante europhile qui voit dans l’aventure commune avec l’union européenne un futur plus rose.

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