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Crise des réfugiés Rohingyas au Myanmar : Genèse et situation actuelle

Apollinaire Gires, Washington DC 

 

D’après le Haut-Commissariat de Nations Unies pour les Réfugiés ( HCR), plus de 647 000 Rohingyas ont trouvé refuge au Bangladesh en mars 2018, et ce chiffre ne cesse d’augmenter. Mais quelles sont les origines de l’aliénation de ce peuple qui vit pourtant au Myanmar depuis plusieurs siècles ? Et quelles sont les actions prises par la communauté internationale pour y mettre fin ?

 

According to the United Nations Refugee agency (UNHCR), more than 647 000 members of the Rohingyas people have fled and seeked asylum in Bangladesh. But what are the causes of the alienation of this ethnicity that has lived in Myanmar for several centuries, and what resolutions are being passed by the international community in order to put an end to the conflict?

 

 

 

Le camp de réfugiés de Kutupalong au Bangladesh, (photo de John Owens/ Voice of America)

 

 

 

 

Des tensions ethniques datant du XIXème siècle et de la colonisation du Myanmar par la Grande-Bretagne.

Le Myanmar, ancienne Birmanie, fait partie de l’Empire Britannique entre 1824 et 1948. Durant cette période, les colons britanniques mettent en œuvre la stratégie « Divide and Conquer », ou « Diviser pour mieux régner ». Les colons divisent le pays en deux parties: la Birmanie Ministérielle, dans laquelle résident les Bamar, le plus grand groupe ethnique du pays, et les « Zones Frontières » dans lesquelles sont repoussées toutes autres minorités. C’est ainsi que naissent des premières tensions ethniques au Myanmar.

En 1948, le Myanmar obtient son indépendance. C’est alors le pays économiquement le plus développé d’Asie du Sud-Est. Cependant, dès 1958, le général Ne Win organise un coup d’état et obtient le pouvoir. Il instaure alors un régime militaire communiste. Son parti prône une position forte pour les Bamar, et pour certaines minorités bouddhistes, et organise des violences et des discriminations institutionnalisées contre certains groupes ethniques, et notamment les Rohingyas qui sont de foi musulmane. Le Parti du Programme Socialiste Birman restera au pouvoir jusqu’en 2011.

 

Des conflits qui perdurent malgré un retour à la démocratie.

            Depuis 2013, Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la paix et leader de la Ligue Nationale pour la Démocratie, est à la tête de l’État. Celle-ci avait été arrêtée et placée en surveillance surveillée à l’époque du règne dictatorial du parti de Ne Win pour ses appels à la révolte. Néanmoins, son arrivée au pouvoir n’a pas semblé être bénéfique à la situation des minorités au Myanmar. En effet, le pays est aujourd’hui divisé en 7 cantons, tous attribués à un groupe ethnique spécifique. Beaucoup d’autres minorités sont rejetées et victimes de pressions, de violences, et de discriminations. Par ailleurs, les Nations Unies estiment que plus de 900 000 habitants ne sont pas reconnus comme citoyens. Les Rohingyas, peuple musulman résidant en majorité dans le canton du Rakhine au Nord-Ouest du Pays, font partie de ces peuples apatrides. Ils ont été victime dans les dernières années, de violences, de tortures et de viols, commis par des milices ethniques et par l’armée nationale elle-même. L’ONU estime en effet que depuis le 25 août 2017, 255 villages rohingyas ont été entièrement détruits. Beaucoup fuient et tentent de rejoindre le Bangladesh, bien que certains tentent également de gagner l’Inde, ou l’Indonésie.

 

 

 

 

Un village brûlé au nord de l’État du Rakhine. Source: Wikimedia Commons

 

 

 

 

 

Une position délicate pour la communauté internationale.

Les Nations Unies sont déjà présentes au Bangladesh afin d’apporter l’aide humanitaire aux réfugiés Rohingyas. En effet, à travers l’Agence pour les Réfugiés et L’Agence de Coordination des Affaires Humanitaires, l’ONU est responsable de la création de plus de 200 camps de réfugiés, mais aussi de l’installation d’écoles et de services sanitaires au sein de ceux-ci. Les Nations Unies sont néanmoins victimes de nombreuses critiques quant à leur capacité à effectuer des actions afin de résoudre le conflit. En effet, à ce jour, aucun mandat d’intervention armée directe ou même de négociations avec le gouvernement birman n’a été voté. Ce blocage peut être expliqué par les positions très contrastées des différents membres de l’ONU. Certains d’entre eux, comme les États-Unis, prônent une coopération avec le gouvernement afin d’obtenir un accord de paix, en prenant pour modèle les accords de Dayton qui avait mis fin à la guerre de Bosnie en 1995. D’autres, et notamment les pays à majorité musulmane, demandent une intervention militaire rapide. Enfin, quelques pays comme la Corée du Sud ou encore le Venezuela refusent de considérer la situation comme une crise immédiate.

Les Nations Unies travaillent donc toujours à l’adoption d’une résolution qui permettra de mettre fin au génocide progressif des populations Rohingyas au Myanmar.