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Une crise fratricide entre pays de l’or noir

Louis G.K. Ferrand, Bogotá   

 

Le 5 juin 2017 débutait l’une des nombreuses crises secouant aujourd’hui le Moyen Orient. Une crise démonstrative de la volonté d’expansion de la puissance de l’Arabie Saoudite par son jeune et nouveau dirigeant, le prince héritier Mohamed Ibn Salman sur les terres limitrophes de la péninsule Arabique. La victime de cette néo guerre froide est une monarchie pétrolière, frontalière et premier exportateur de gaz naturels liquéfié au monde, on parle du Qatar. L’Arabie Saoudite a ainsi coupé toute relation économique et diplomatique avec cette petite monarchie pétrolière entrainant avec lui différents pays tels que les Émirats arabes unis, le Bahreïn et l’Égypte.

 

 

Cette coalition de pays avance le fait que le Qatar et son gouvernement, représenté par l’émir Tamim Ibn Hamad Al Thani soutient financièrement des groupes islamistes radicaux et surtout, lui reproche son rapprochement avec l’Iran, puissance régionale rivale de l’Arabie Saoudite. L’Iran étant pour l’Arabie Saoudite sunnite, le principal adversaire de la région en terme politique, économique mais également et surtout idéologique. Ces deux puissances régionales cherchent à être chef de file des deux branches majoritaires de l’Islam.

Le jeune dirigeant Saoudien, à l’origine de cette crise diplomatique entre l’Arabie Saoudite et le Qatar aurait cependant pu trouver des points communs avec son nouvel ennemi. En effet, l’émir de Doha a accédé aux pouvoirs de la même manière que lui, grâce à l’abdication de son père. Il est également wahhabite, mouvement politico religieux de l’Islam sunnite qui prône un retour aux sources de l’islam et qui insiste avant tout sur l’unicité absolue de Dieu.

Même si l’émir du Qatar est un peu plus libéral, du fait que les femmes ont le droit de vote aux élections municipales, ils sont tous deux de la même génération et à l’image d’une nouvelle classe de dirigeants arabes, jeunes et dynamiques, élevés à l’occidentale.

Un an et demi après cette tentative de déstabilisation politique, Riyad a tout perdu. En effet, après la fermeture des frontières et la fin des relations diplomatiques et commerciales, le régime Qatari a su rebondir sans perdre de sa stabilité, malgré quelques problèmes d’ordre pratique pour Doha telle que l’interdiction formelle à Qatar Airways de survoler le territoire saoudien. Cette interdiction créa les premiers jours une situation cocasse durant laquelle, le Qatar a dû louer une compagnie étrangère pour rapatrier les pèlerins qataris qui se trouvaient à la Mecque. Par ailleurs, les pertes du régime saoudien se soldent en millions de dollars d’exportations de nourriture notamment. Mais c’est sur le plan politique et des relations internationales que Riyad a le plus perdu, un véritable renversement de situation.

Le Volteface pratiqué par le Qatar est la parfaite illustration du proverbe, « l’ennemi de mon ennemi est mon ami ». Le principal ennemi de l’Arabie Saoudite étant l’Iran, Tamim Ibn Hamad Al Thani a donc engagé un fort rapprochement diplomatique entre son pays et la république islamique. Pour l’Iran, la situation est tout à son profit car deux ans auparavant, des relations aussi proches n’auraient pas pu être envisageables avec ce pays Sunnite frontalier de son grand ennemi idéologique et religieux.

Ce rapprochement entre les deux pays se constate premièrement par le ravitaillement alimentaire organisé pendant les premiers jours de la mise sous embargo, ravitaillement vital car la petite monarchie wahhabite n’aurait, selon certaines sources, que 17 jours d’autosuffisance alimentaire. Mais Téhéran a également ouvert son espace aérien   à la compagnie nationale Qatar Airways pour une continuité des vols commerciaux. Le président Hassan Rohani a reformulé sa volonté de renforcer les partenariats  économiques entre les deux pays et pour la presse iranienne, les secteurs agricoles, alimentaires et textiles seraient principalement concernés.

Ayatollah Ali Khamenei (leader Iranien) avec L’émir Qatari Tamim Ibn Hamad Al Thani

Mais également, fait plus étonnant, c’est la Turquie d’Erdogan qui a su devenir un partenaire indispensable et allié de poids pour le Qatar. En effet, la Turquie a installé une base militaire permanente sur le sol Qatari. L’occident, allié traditionnel du régime Saoudien pour lequel les ravitaillements de pétrole sont une nécessité, n’a pas réellement engagé de procédure diplomatique et économique envers le Qatar. Le Qatar a mené une diplomatie dit du chéquier en multipliant les gros contrats d’aviation et d’armement avec la France, le Royaume Uni, l’Italie et les États-Unis. Tamim Ibn Hamad Al Thani a également approuvé un projet de loi autorisant des investisseurs étrangers à détenir 100% des parts d’une entreprise qatari. Ainsi, la politique mise en œuvre par Riyad permet au Qatar de proposer un marché suffisamment attractif pour les pays développés, au détriment de l’Arabie Saoudite.

Le gouvernement de Trump appuyant les accusations premières de Riyad « Qatar, grand financier du Terrorisme » a, un an après, changé d’état d’esprit notamment grâce à des trésors de lobbying développés par Doha. Le 15 janvier 2018, Donald Trump a officiellement « remercié le Qatar pour son combat contre le terrorisme et toutes les forces d’extrémisme ». En réaction au blocus de l’Arabie Saoudite, un grand sentiment de patriotisme s’est développé au sein de la population Qatarie et la cote de l’émir n’a jamais été aussi haute.

La « guerre froide » déclenchée par la coalition dirigée par l’Arabie Saoudite, il y a un an et demi, n’a par conséquent pas atteint les objectifs attendus par Riyad et son prince héritier Mohamed Ibn Salman à l’origine de cette crise diplomatique, assiste au renforcement de l’Iran comme puissance régionale. Le Qatar pays majoritairement sunnite dirigé par un émir wahhabite, s’est très fortement rapproché de Téhéran. L’occident et les États-Unis traditionnellement gendarmes du moyen orient, ne se sont que très peu fait entendre et depuis le début de l’année 2018, sont ouvertement en désaccord avec la politique menée par Riyad. Le patriotisme n’a jamais été aussi haut dans la péninsule Qatarie.

Malgré l’augmentation des budgets militaires des deux camps, une intervention armée Saoudienne ne semble pas envisageable. Le pays est actuellement engagé dans un conflit avec le Yémen qu’il n’arrive pas contrôler et le monde extérieur ne le permettrait pas car cela représenterait une clôture immédiate du plus grand champ gazier du monde.

Seulement, le Qatar ne peut pas vivre indéfiniment sous le coup d’un blocus économique. Un changement de la situation dépend de l’entêtement de l’Arabie Saoudite et de comment les différentes forces en puissance impliquées dans la crise, vont continuer à agir. L’annonce de Riyad le premier septembre dernier, de construire un canal sur la frontière entre les deux pays, transformant ainsi le Qatar en île, ne présage évidemment pas d’une résolution de la crise.

Le conflit syrien

Louis G.K. Ferrand, Bogotá  

 

Pierre Conesa, essayiste et ancien haut fonctionnaire français ; décrit la guerre syrienne comme étant « quatre conflits en un ». Cette analyse reflète bien la complexité de ce conflit et le grand nombre d’acteurs qui y sont engagés.    

 

La Syrie fêtait le 15 mars dernier le triste 7° anniversaire des premières manifestations à Deraa. Cette ville du sud de la Syrie a vu les prémices de la guerre civile avec les premières manifestations contre le régime de Bachar el Assad. Ces manifestations s’inscrivaient alors dans le mouvement dit « du printemps arabe » qui en se répandant à travers le Maghreb et le Moyen Orient finit par atteindre aussi la Syrie. Lors d’une première manifestation pour la libération d’adolescents emprisonnés, deux civils sont tués par balles. Les réseaux sociaux retransmettent des vidéos de violences policières à travers le reste du pays et en soutien, de nombreuses villes se soulèvent. La seconde ville du pays Homs devient alors un des centres de la contestation. Les manifestations contre le régime deviennent de plus en plus violentes et les banderoles des premiers jours se voient bientôt remplacer par des armes. Le régime syrien, déstabilisé par ces manifestations de plus en plus importantes, répond aux manifestants par une répression militaire féroce en autorisant les forces de sécurité à tirer sur les foules rebelles à balles réelles. Pourtant le mouvement au lieu de s’affaiblir, se renforce et le régime de Bachar el Assad autorise alors les forces de répression à torturer presque systématiquement les personnes arrêtées. Des campagnes de viols massifs sont commises de manière planifiée et encouragée par le régime via ses forces armées toujours fidèles.

Le 27 avril est la date de la première réaction internationale qui résulte d’un projet de résolution condamnant la répression en Syrie. Elle est présentée au Conseil de sécurité des Nations Unies par le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne et le Portugal. Mais elle est bloquée par la Russie et la Chine. A ce moment précis les blocs se structurent. De très nombreux soldats font défection et pendant l’été 2011, la région montagneuse du Jabal al-Zawiya passe sous le contrôle des insurgés. Cette région sans grand intérêt stratégique est la première région « rebelle’’ du territoire nationale syrien. Le 8 juillet à lieu la première reconnaissance internationale des forces rebelles, par les ambassadeurs des États-Unis et de la France qui se rendent à Hama momentanément abandonnée par l’armée.

L’intensification des opérations militaires contre les manifestants des plus grandes villes marque le début d’une vague de désertions importantes dans les rangs de l’armée, qui se poursuivra jusqu’en 2012. Néanmoins, par adhésion ou par peur, une large partie de l’armée demeure loyale au régime de Bachar el-Assad. Durant l’été 2011, les principaux mouvements de contestations démocratiques, nationalistes, islamistes sunnites ou salafistes djihadistes se militarisent. Pourtant ceux-ci restent encore assez marginaux. Ce n’est que fin 2011 que le passage à la lutte armée devient général.

Le 1er décembre 2011, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme (HCDH) déclare que la Syrie est en état de « guerre civile ».

Le 18 janvier, après plusieurs jours de combats, l’armée syrienne se retire de Zabadani qui devient la première ville Syrienne d’importance à tomber entièrement aux mains des rebelles

7 ans plus tard (2018), Le conflit syrien aura causé plus de 350 000 morts selon un nouveau bilan fourni par l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH) et la paix est encore loin. Le champ de bataille est désormais partagé entre quatre grands acteurs. La répression des manifestations pro-démocratiques de 2011 s’est transformée en véritable guerre avec l’implication de groupes jihadistes et de puissances régionales et internationales. La guerre en Syrie est aussi bien idéologique que politique. Voici les principaux acteurs du conflit syrien (mars 2018/syria.liveuamap.com) :

 

 

 

                Le régime de Bachar el Assad

Le régime de Bachar el Assad contrôlant le pays avant la guerre civile, est actuellement soutenu par 150.000 à 200.000 miliciens pro régime, y compris des Irakiens, des Iraniens et des Afghans. Par ailleurs, 5.000 à 8.000 combattants du Hezbollah libanais se battent à ses côtés.

En grande difficulté pour préserver son pouvoir, Bachar el Assad est depuis septembre 2015 soutenu par la Russie de Poutine. L’intervention de cet allié de poids lui a permis de reprendre des zones clés. La Russie qui a installé des forces militaires navales et aériennes importantes en Syrie, aide le régime avec de nombreux conseillers, des frappes aéronavales, missiles et déploiement de forces spéciales. Le port et la base militaire russe de Tartous en territoire syrien est le seul point sur la mer Méditerranée dont dispose la Russie qui l’a loué pour 90 ans au régime de Bachar. Cette enclave est donc très importante stratégiquement pour la Russie.

Le régime de Bachar el Assad a également su s’allier et bénéficier du soutien de la puissance régionale chiite, l’Iran. Ce soutien est dû au fait que Bachar el Assad fait partie de la secte Alaouite, une branche minoritaire chiite de l’Islam. L’Iran étant le chef de file du mouvement chiite, ce pays entretient une guerre religieuse et idéologique contre la mouvance sunnite dont le chef de file est l’Arabie Saoudite. Suite à l’accès au pouvoir d’un président chiite en Irak, l’Iran peut désormais compter sur un axe géographique de pays d’obédience chiite. Afin de consolider cet axe, l’Iran a envoyé des milliers de combattants en Syrie et fournit des conseillers militaires pour combattre les rebelles sunnites alors que l’Irak depuis la fin de la guerre combat les dernières zones frontalières de l’état islamique. Le gouvernement élu est de confession chiite, il soutient donc également l’axe voulu par l’Iran et son voisin chiite.

Le régime syrien mène le combat contre les rebelles et les différents groupes jihadistes comme l’EI. Un accord de non-agression a été signé avec les kurdes de Syrie qui contrôlent le nord du pays. Le 14 avril, Les États-Unis, la France, le Royaume-Uni et plusieurs pays arabes ont effectué des frappes de missiles contre des sites du régime, qui serait impliqués dans la fabrication d’armes chimiques. Selon le géographe français Fabrice Balanche, l’armée du régime contrôlerait aujourd’hui désormais plus de 56 % du territoire national, dont les principales villes (Damas, Alep, Homs et Hama). Environ 70 % des habitants vivent sur ce territoire, ce qui confère une force importante au régime. Il y a quelques semaines, le régime a reconquis la région de la Ghouta orientale, région historique des soulèvements anti régime.

        Les rebelles syriens et les groupes jihadistes

Au début du conflit, les rebelles s’étaient regroupés sous la bannière de l’Armée Syrienne Libre (ASL), laissant progressivement place à une myriade de factions, allant des rebelles sans affiliation religieuse aux groupes islamistes terroristes. 58 % exactement des 600 factions rebelles (groupe de plus de 50 combattants) épousent une vision ultra-rigoriste ou obscurantiste de l’islam. Représentant initialement quelque 100.000 combattants, leur poids s’est largement réduit au fur et à mesure des défaites infligées par le régime. Les rebelles sont aidés par les pays du Golfe qui sont de confession sunnite, par des conseillers militaires, du matériel, mais surtout avec de l’argent. La coalition menée par les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni a également aidé les rebelles avec des conseils, du matériel et surtout avec des frappes contre l’Etat-Islamique et depuis quelques semaines contre le régime Syrien. L’opposition armée, qui vient de perdre son dernier bastion aux portes de Damas, dans la Ghouta orientale, ne tient plus que 12 % du pays selon M. Balanche. Les groupes rebelles les plus importants sont :

  • Ahrar al-Cham qui créé en 2011 et financé par des pays du Golfe et la Turquie selon des experts. Il est présent surtout dans le nord (Alep et Idleb). D’inspiration salafiste, il a tenté en 2015 de se présenter comme modéré aux yeux de l’Occident. Le groupe a subi plusieurs revers dans la province d’Alep depuis l’offensive de l’armée début février.
  • Jaich al-Islam, le plus important groupe rebelle dans la région de Damas, notamment la Ghouta orientale
  • Le Front du sud qui regroupe des groupes armés non islamistes qui contrôlent des secteurs de la province de Deraa (sud).

A côté de ses groupes rebelles aux aspirations de libération, on retrouve les deux principales forces jihadistes rivales, luttant pour l’avènement d’un Califat : l’organisation Etat islamique (EI) et le groupe Hayat Tahrir al-Cham. L’EI, le groupe le mieux organisé, le plus brutal, le plus riche et le plus redoutable en raison de ses atrocités commises ; a conquis de vastes régions en Syrie et en Irak, avant de proclamer un « Califat » en 2014 sur ces territoires à cheval entre les deux pays. L’EI est la cible de multiples offensives du régime appuyé par la Russie, l’Iran et leurs alliés mais aussi d’une coalition kurdo-arabe soutenue par Washington. L’EI a subi de nombreux revers, perdant ainsi sa capitale de facto en Syrie, Raqqa. Le groupe contrôlerait aujourd’hui moins de 5 % du territoire syrien selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme. L’Etat Islamique serait dirigé par Abou Bakr al-Baghdadi, émir, puis « calife » de l’État islamique depuis 2010. Ce groupe s’est internationalisé notamment via  des attentats spectaculaires qui font des centaines de morts en France, en Belgique, dans le monde occidental mais aussi dans le monde musulman. L’EI est en partie composé de combattants étrangers venant du Maghreb, d’Europe, du Moyen-Orient mais aussi parfois originaires de d’ex républiques soviétique voire d’Asie ; tous venus effectuer un Djihad en Syrie et en Irak.

Hayat Tahrir al-Cham contrôle toujours la majeure partie de la province d’Idleb, actuellement le théâtre de guerres intestines entre jihadistes,  rebelles de l’ASL et combattants Kurdes du YPG.

 

                   La problématique Kurde

Historiquement, les Kurdes ont été discriminés pendant des décennies par le régime. Mais grâce à des dirigeants compétents et des aptitudes acquises avec le PKK en Turquie dans la clandestinité et dans le combat, ils ont profité du retrait de l’armée syrienne pour établir dans le nord de la Syrie une administration semi-autonome sur les territoires sous leur contrôle. En 2016, ils ont proclamé une « région fédérale » sur leurs territoires et organisé les premières élections pour élire leurs représentants. Les Kurdes de Syrie ont formé avec l’aide des Peshmergas irakien le YPG (Unités de protection du peuple qui est leur principale milice armée). Cette force armée représente le noyau dur des Forces démocratiques syriennes (FDS, ex ALS), composées également de combattants arabes et soutenues par la coalition internationale dirigée par les Etats-Unis. Ils ont été aux premières lignes de la lutte anti-EI en Syrie et se sont fait remarquer notamment par la combattivité de leurs unités composées en grandes partie de femmes. Les unités de combattantes ont commencé à opérer avec la bataille de Kobané. Elles étaient décrites comme les plus efficaces pour affronter les combattants de l’Etat islamique, un combat contre les jihadistes obsédés par la négation du statut des femmes. Leur nombre est estimé à 40 % sur les 65 00 combattants du YPG. Depuis janvier, la milice kurde est confrontée à une offensive de la Turquie, qui a déjà reconquis l’enclave kurde d’Afrine, dans le nord-ouest de la Syrie et menace de poursuivre son avancée vers d’autres territoires à l’est.

Les Kurdes combattent les rebelles, la Turquie, les Jihadistes et l’état islamique. Ils ont signé un pacte de non-agression avec le régime de Bachar el Assad. Le 13 octobre 2015, un rapport est publié par Amnesty International qui accuse les YPG (la milice Kurde) de « crimes de guerre » pour avoir rasé des villages et chassé des populations arabes. Un rapport de mars 2017 du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies rejette les accusations de nettoyage ethnique : « La commission n’a trouvé aucune preuve étayant les accusations selon lesquelles les forces YPG ou FDS aient ciblé les communautés arabes sur des bases ethniques ». D’après les Nations unies, des villages, arabes ou non, ont effectivement été évacués de force mais en raison des engins piégés et bombes dissimulées par l’État islamique.

Les forces Kurdes ont créé leur nouvel état Kurde syrien, Rojava qu’ils comptent bien défendre malgré le conflit avec la Turquie, une milice d’origine d’auto défense face à une armée turque moderne équipée à l’occidentale. Pour la Turquie cependant, le PKK turc et le YPG syrien ne font qu’un. La communauté internationale ne réagit pas à l’invasion du territoire autonome kurde syrien par les Turcs, le PKK étant qualifié par l’union européenne comme étant un groupe terroriste. Le YPG contrôle 28 % du territoire syrien, où vit environ 15 % de la population syrienne. Les villes les plus importantes contrôlées par le YPG sont Raqqah et Al Hasakah.

 

                   Les coalitions internationales

La Turquie, l’Arabie Saoudite et le Qatar soutiennent la rébellion majoritairement sunnite contre le régime d’Assad. Aujourd’hui, Riyad et Doha sont marginalisés et Ankara a noué une alliance inédite avec Moscou. L’ axe Ankara Moscou Téhéran a ainsi réussi à instaurer des « zones de désescalade » dans le pays -notamment à Idleb- sans toutefois faire cesser totalement les combats. Sur le plan militaire, la Turquie appuie des supplétifs syriens, engagés contre les jihadistes mais aussi contre les combattants kurdes, et a déployé des troupes dans le nord syrien depuis 2016.

Une coalition internationale est menée par Washington, la coalition regroupe plus de 60 pays, dont la France et la Grande-Bretagne. Cette coalition a mené des frappes aériennes contre l’EI depuis 2014, en appui à des troupes au sol. Avec la fin des grandes batailles contre les jihadistes, les frappes ont baissé en intensité. Les forces de la coalition représentent quelque 2.000 soldats américains et quelques centaines de britanniques et français déployés dans le nord syrien, il s’agit essentiellement de forces spéciales présentes pour combattre l’EI et entraîner les forces locales dans les zones reprises aux jihadistes.

 

En conclusion, on peut dire que la guerre civile en Syrie est effectivement « quatre guerres en une ». Des intérêts politiques, idéologiques, économiques et religieux sont les principaux moteurs de cette guerre :

  • entre sunnites et chiites,
  • entre une partie du peuple et le régime de Bachar
  • entre grandes puissances via des alliances locales qui cherchent à exercer ou renforcer leur influence sur la région (USA, Russie, Iran, Royaume Uni, France, Arabie Saoudite… )
  • entre la Turquie et les Mouvements Kurdes organisés sur le territoire Syrien