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Un sommet en creux

Mariano Fernández, Lima  

Article publié dans Chaski, la revue du lycée franco péruvien de Lima

 

Le très attendu VIIIème “Cumbre de las Américas”  a eu lieu le 13 et 14 avril à la ville de Lima réunissant les 34 dirigeants des pays du continent américain (où celle-ci était l’idée). Le sommet avait le but de discuter des sujets politiques, économiques et sociaux communs à tout le continent. Le sujet plus précisément était “Gouvernance démocratique face à la corruption”.

Le continent américain a la particularité d’être à la fois uni et désuni. Il est uni géographiquement, mais il n’y a pas d’unité géopolitique entre les pays de la zone. C’est vrai qu’ils existent des organismes regroupant plusieurs pays du continent comme par exemple l’OEA ou l’Alliance du Pacifique, mais il n’y a pas une association politico-économique au niveau de l’Union Européenne où on établisse des institutions communes. Depuis 1994, les pays américains se réunissent dans la “Cumbre de las Américas”. Celle-ci serait un premier pas pour unifier le continent et assurer son développement durable. De plus, puisque Lima était le siège de l’édition du 2018, le Pérou allait recevoir beaucoup d’exposition, de reconnaissance, notamment dans la presse internationale, grâce à la participation de dirigeants importants des pays les plus puissants comme les Etats-Unies ou le Canada.

Néanmoins, le sommet ne s’est pas déroulé comme on l’espérait. Plusieurs conditions n’ont pas permis cela.

 

Un sujet ironique

 

En premier lieu, “Gouvernance démocratique face à la corruption” est un thème important à traiter dans le continent, mais est très ironique comme choix de sujet du sommet. Le fait d’inviter les dirigeants des pays de l’Amérique du Sud à discuter sur des moyens pour lutter contre la corruption, pendant que la majorité sont accusés dans l’affaire Odebrecht est paradoxale. De plus, le pays d’accueil est le Pérou, pays où les 4 derniers présidents (Kuczynski, Humala, García et Toledo) sont soupçonnés ou impliqués dans de cas de corruption et blanchiment d’argent.

 

Le professeur de relations internationales de l’Universidad Estatal de Rio de Janeiro, Paulo Velazco, dit que c’est le “paradoxe de l’Amérique Latine que nous voyons les derniers mois, ou années”. C’est le fait que “malgré l’implication d’hommes politiques importants dans des scandales de corruption, on [les pays] essaye de démontrer qu’on vit une normalité institutionnelle”.

 

   De gauche à droite:   MM Vizcarra Président du Pérou, Santos Président de Colombie, Piñera Président du Chili, Peña Nieto Président du Mexique,  et Trudeau Premier ministre du Canada

 

Le changement du président

 

En plus, c’était l’ancien président Pedro Pablo Kuczynski qui a organisé le sommet pendant son mandat. Pourtant, il n’a pas pu participer à cause de sa démission après qu’il a été accusé de corruption. C’est donc, Martin Vizcarra, institué président le 23 mars qui a présidé le sommet après seulement 3 semaines de mandat: était-il en pleine capacité et légitimité?

 

 

Des présidents absents

 

Le sommet devait aussi symboliser l’union des pays d’Amérique face aux différents problèmes existants dans la région. Mais le Pérou (à travers le Groupe de Lima qui regroupe 17 pays dont le Mexique, le Canada, le Brésil, etc) a désinvité le président du Venezuela Nicolas Maduro. Le Pérou trouve que la “rupture de l’ordre constitutionnel” en Venezuela est anti-démocratique et le fait de retirer l’invitation au président au sommet pourrait exercer une pression sur Venezuela pour améliorer sa situation. Mais d’un autre côté cette raison est totalement paradoxale selon l’analyste politique et ancien Ministre de l’Intérieur Fernando Rospigliosi, puisqu’ en 2015, lors de la “Cumbre” en Panamá, le président Evo Morales a été invité, malgré ses pratiques jugées peu démocratiques par certains. Il a été même invité au sommet de Lima.

 

Un autre président a plutôt choisi de ne pas venir au Sommet. C’est le président des Etats-Unis Donald Trump. Il s’agit du premier président des États-Unies à ne pas assister à ce sommet. Il a décidé de ne pas assister afin de continuer à superviser la situation de la Syrie depuis la Maison Blanche. Cette décision a été ressentie négativement par les présidents d’Amérique Latine, qui la considèrent comme un signe de mépris. Maduro justement a même dit que Trump voit Lima comme un “arrière-cour” et qu’il ne veut pas s’asseoir avec les présidents des pays d’Amérique du Sud puisqu’ils ne sont rien pour lui. Sa fille, Ivanka Trump et le vice-président, Mike Pence ont donc assisté à sa place. .

 

          Finalement, le président équatorien Lenín Moreno a du retourner immédiatement à son pays avant même que l’événement commence. Il a décidé cela lorsqu’il a appris que 3 journalistes de son pays avaient été enlevés et assassinés par un groupe armé.

Malgré toutes ces contraintes, le sommet a pu quand-même arriver à des conclusions. À la fin de la “Cumbre de las Américas”, les pays ont approuvé un document de compromis contre la corruption. Des mesures comme “Protéger le travail des journalistes et personnes qui investiguent des cas de corruption” ou “Renforcer la transparence des financements des campagnes électorales” ont été signés par les différents pays.

Mais on reste de toute façon avec la sensation de déception quant au déroulement de l’évènement. On peut se demander si les pays de l’Amérique arriveront un jour à véritablement s’organiser.