Trans mountain, un oléoduc controversé qui divise le Canada
Michel Asselin, Rudy Dijoux, Montréal
Trans Mountain est un oléoduc qui transporte du pétrole brut et du pétrole raffiné en traversant deux provinces du Canada : l’Alberta et la Colombie Britannique. Mais en 2013, Kinder Morgan, la compagnie qui assure la gestion de l’oléoduc a décidé d’ajouter une extension à celui-ci, prévue d’ici 2019 : la « Trans Mountain Pipeline Expansion Project », au cœur de la controverse.
Pourquoi le Trans Mountain ?
La « Trans Mountain Pipeline Expansion Project » permettra de transporter du bitume dilué vers les pays intéressés et augmentera le nombre de barils de 300 000 à 890 000 barils par jour! Elle améliorera sensiblement la situation économique du Canada en trouvant des débouchés à l’international et en augmentant le nombre d’emplois (15 000 emplois créés selon le gouvernement fédéral). Kinder Morgan affirme, sur son site internet, que les provinces du Canada récupéreront des bénéfices, et des emplois, à redistribuer aux « premières nations » (peuples amérindiens du Canada) et à leurs diverses communautés.
La construction a été autorisée par l’Office National de l’Energie (ONE), le tracé et le projet respectent donc la plupart des conditions et des normes nécessaires et obligatoires, en vigueur au Canada pour la construction d’un oléoduc. Cependant, malgré cette autorisation, le projet a provoqué de multiples réactions entraînant le Canada dans un conflit qui divise sa population.
Des actions et inquiétudes venant des citoyens.
Selon un sondage de l’Institut Angus, réalisé en février 2018, 50% des canadiens interrogés suivent l’avis de la Colombie Britannique, qui refuse la construction de l’extension et tandis que 50% sont pour, en se reportant sur l’avis de l’Alberta, qui est pour l’extension. Si on se concentre sur cette province, 18% des habitants sont contre et 82% sont pour la décision de l’Alberta. Tandis qu’en Colombie Britannique, 58% des interrogés sont pour du côté de la Colombie Britannique et 42% sont contre. Et grâce à d’autres sondages plus approfondis de l’Institut Angus, on peut constater que les opinions ou les peurs à propos du pipeline sont multiples (environnement, peur du déversement du pétrole dans la nature …versus emploi, économie…).
Il est important de noter que l’arrivée du pipeline se trouve à Burnaby en Colombie Britannique et que la matière première est ensuite acheminée vers des terminaux locaux qui vont charger les pétroliers. Le problème avancé par les groupes contre l’extension est qu’il pourrait y avoir un déversement de ces sables bitumeux sur les côtes de la Colombie Britannique si un accident survenait.
Greenpeace, une organisation non gouvernementale qui protège l’environnement, très présente dans cette affaire, est bien sûr contre la construction de ce pipeline. Greenpeace pense que cela aurait de dangereux effets sur le réchauffement climatique, étant donné que le pipeline transporte une ressource produisant des millions de tonnes de gaz à effets de serre. Sur son site, on peut trouver que « le projet de Kinder Morgan aurait les mêmes impacts climatiques que 2,7 millions de voitures par an. Dans ce seul projet, c’est quatre fois plus que toutes les réductions des émissions de carbone réalisées à ce jour, en Colombie Britannique ».
Aussi, les militants dénoncent le fait que l’autorisation de la construction est un manque de respect pour les « Premières Nations », qui elles aussi sont contre l’extension.
Plusieurs manifestations ont eu lieu, menées par Greenpeace, les « Premières Nations » et plusieurs mouvements écologistes à Burnaby, près du terminal pétrolier porteur du projet Kinder Morgan. Il y a eu de nombreuses arrestations comprenant la chef du parti vert du Canada, Elizabeth May et le député fédéral néo-démocrate de Burnaby-Sud, Kennedy Stewart. Le motif de leur arrestation était que leurs manifestations transgressaient l’injonction de la Cour suprême du Canada qui leur interdisait de s’approcher à moins de 5 mètres des sites de travaux entrepris par Kinder Morgan. Les autorités ont aussi procédé à l’arrestation du cofondateur de Greenpeace, Rex Weyler.
Des partisans du projet ont aussi manifesté pour montrer leur soutien, que ce soit à Burnaby ou en Alberta, pour affirmer tous les avantages d’un tel projet.
Les « Premières Nations » de la Colombie Britannique se sont formellement exprimées sur le sujet et ont clairement affirmé qu’elles étaient contre l’extension et que ce seront eux qui auront le dernier mot, dans cette controverse. Cependant, certains membres des « Premières Nations » de la Colombie Britannique sont du côté de l’Alberta en estimant que les avantages que donnerait le pipeline sont importants.
Des conflits régionaux entre l’Alberta et la Colombie Britannique
L’Alberta est une région connue pour son exploitation pétrolière et elle fait partie des acteurs qui soutiennent Kinder Morgan et donc le projet de l’extension. Elle défend le projet pour des raisons données plus haut (création d’emplois, croissance économique du Canada, etc.). Cependant, en janvier 2016 la Colombie Britannique annonça formellement être contre la construction du pipeline pour des raisons environnementales. La principale ressource économique de la Colombie Britannique étant le tourisme, on comprend aussi mieux leur positionnement. En effet, en cas d’accident pétrolier, suite à un déversement du pétrole dans les cours d’eau, cela occasionnera un énorme impact négatif sur l’environnement de la région et sur son économie, ce que les économistes nomment des externalités négatives. Afin d’espérer bloquer le projet d’expansion, la Colombie Britannique souhaite imposer de nouvelles régulations aux entreprises qui veulent transporter de plus grandes quantités de pétrole lourd sur son territoire.
Ces conflits ont des répercussions sur les échanges commerciaux, ce qui aboutit à une guerre commerciale entre l’Alberta et la Colombie Britannique. Tout d’abord, l’Alberta a fait comprendre qu’elle n’importera plus du vin provenant de la Colombie Britannique. Une industrie agro-alimentaire essentielle qui a permis à la Colombie Britannique d’obtenir 72 millions de dollars canadiens de chiffre d’affaires en 2017, l’Alberta ayant importé environ 17,2 millions de bouteilles de vin. Par ailleurs, l’Alberta fait remarquer qu’elle suspendrait les pourparlers sur l’importation d’électricité provenant de la Colombie Britannique qui lui rapporte 500 millions de dollars canadiens par an. Enfin, l’Alberta prévoit de priver la Colombie Britannique de pétrole suite à des actions de celle-ci jugées extrêmes et illégales pour faire échouer le projet de l’extension du pipeline.
Une implication du gouvernement fédéral
C’est en s’appuyant sur des estimations scientifiques, que le gouvernement canadien justifie l’extension du pipeline Trans Mountain, invoquant l’intérêt national et ses effets positifs sur l’économie canadienne. Le premier ministre du Canada Justin Trudeau assure que l’extension sera construite. En effet, Justin Trudeau a déjà fait appel à son ministre des finances pour des négociations avec Kinder Morgan en vue de trouver une solution financière qui rassureraient tous les investisseurs. Aussi, l’Alberta demande plus de soutien au gouvernement fédéral dans sa bataille contre la Colombie Britannique qu’elle accuse de bloquer l’expansion de l’oléoduc.