Dossier spécial dixième anniversaire 2009-2018
L’Amerique dans dix ans : Colombie 
Élève de Seconde, Bogotá
L’agonie du vivant
21 Mai 2028
De tous les pays d’Amérique Latine, le Venezuela est sûrement celui qui a connu la crise la plus grave, la pauvreté la plus importante et un nombre effrayant d’émigrants. Dix ans plus tôt, M. a été réélu et cela n’a fait qu’accélérer la destruction du pays. Certes, il a été assassiné il y a sept ans, mais cela n’a pas eu l’effet que nous espérions. Un autre homme, dont j’ignore le nom, s’est emparé du pouvoir immédiatement après pour continuer l’ancienne dictature et depuis, tout est pire. En effet, une grande partie du pays a été détruite à cause des catastrophes naturelles et des nombreuses guerres dans lesquelles le pays était engagé, notamment contre la Colombie. Des tas de raisons expliquent ces faits, cependant la seule chose que j’arrive à comprendre est que le pays s’est considérablement endetté. Pendant la dernière guerre, nous avons connu une importante perte; plus de la moitié des habitants sont morts à cause d’une bombe dont l’origine reste inconnue. Non seulement on a perdu des milliers de frères et sœurs, mais aussi un énorme territoire. La carte du pays a été modifiée trois fois ces dix dernières années, il n’a plus du tout la même forme. C’est un miracle que je ne sois pas morte pendant cette explosion, je vis à Valencia, juste à côté de toute la zone qui a été perdue.
À cause de la chasse, des bombes, de l’abattage des forêts, entre autres raisons, beaucoup d’espèces ont disparus du pays. Et ce n’est pas tout, le réchauffement climatique reste une réalité qui nous menace, plusieurs villes d’Amérique ne sont plus habitables à cause de cela, puis l’oxygène manque dans quelques zones du continent. Les zones habitables sont désormais limitées, l’électricité et l’eau ne sont accessibles que pour les plus riches, amis du dictateur ou membres de sa famille.
Malgré les efforts de mes parents pour sortir du pays, toutes nos tentatives ont échoué. De toute façon, la Colombie a fermé la frontière et n’accepte plus de migrants vénézuéliens. Mes parents étaient tous deux des opposants au gouvernement et parlaient pour le peuple vénézuélien dans l’espoir de répandre l’espoir. Pourtant, le jour est venu où ils ont été assassinés à cause de leur idéologie, leur manière de penser. Plusieurs personnes honorables comme eux ont souffert le même sort. Depuis, je me cache pour fuir la violence et combat la peur. La pollution a atteint un niveau terrifiant. Le ciel, même pendant le jour, est gris et sombre et les arbres, qui ne sont pas nombreux, sont tous secs et sans feuilles. Je vis dans un paysage apocalyptique, on dirait un cauchemar duquel je ne pourrais jamais m’échapper. C’est pour tous une ténébreuse réalité.
22 Mai 2028
Après avoir vécu un an seule, un groupe de personnes qui se cachent également m’ont accueillie dans leur refuge construit avec des cartons, des plastiques et autres matériaux pas très résistants mais qui nous protègent néanmoins de la pluie. J’ai compris que je n’étais pas la seule à devoir voler pour manger au moins une fois par jour, que des milliers de personnes avaient perdu leur foyer et famille, et que je devais les aider.
J’ai également appris que des soldats cherchaient certains habitants du pays, des personnes qui ont réalisé des actions révolutionnaires ou qui simplement sont pauvres et n’ont rien á donner au pays. Puis ils les tuent ou les font disparaître. Pour éviter cela, nous devons bien nous cacher.
12 août 2028
Les derniers mois, des tremblements de terre ont arraché une autre partie de notre pays et les habitants vivant dans des conditions déplorables sont chaque fois plus nombreux. Nous avons accueilli des enfants, même plus jeunes que moi (de 3 à 11 ans), tous orphelins. Je me demande s’il y a d’autres communautés comme celle-ci partout dans le pays.
15 août 2028
Les dernières semaines nous avons appris des nouvelles décourageantes. De nombreuses épidémies qui étaient jusque-là contrôlées se propagent à nouveau, tuant nos plus chers amis. L’accès à la médecine est totalement réservé aux classes favorisées, nous ne pouvons donc pas éviter tous ces morts. Et les zones toxiques s’étendant, il n’y aura bientôt plus de place pour nous dans ce monde.
Voilà le problème, le pays (ou au moins la ville que j’habite) est divisé en deux parties. Les pauvres n’ont même pas le droit de mettre les pieds dans certaines zones. L’accès à la nourriture est quasiment impossible vu que notre zone ne possède rien et il est très dangereux d’aller chercher ailleurs. De fait, le quart de notre petite communauté est morte. Les habitants appelés “riches” n’ont pas seulement tous les éléments nécessaires pour une vie confortable, ils possèdent en outre, des machines et objets très modernes. Ils n’en ont pas besoin et pourraient utiliser les revenus du pays pour nous alimenter au lieu de les gâcher pour créer ces machines, mais c’est impossible qu’ils comprennent cela.
10 septembre 2028
Aujourd’hui j’ai dû couper totalement mes cheveux. Nous avons volé une radio et on a failli être vus puisque mes cheveux se sont emmêlés avec des fils de fer barbelé. Nous ne pouvons plus prendre ces risques, tout le monde s’est fait couper les cheveux.
En effet, le dictateur a décidé de capturer tous ceux qui franchissent les limites des “zones privilégiées” pour les exploiter dans des travaux inhumains. Rien que penser à ça me rend nauséeuse.
Néanmoins, cette radio nous a été très utile. Mais les nouvelles ailleurs ne sont pas terribles. Les difficultés environnementales s’aggravent, la violence et la guerre occupent une place importante, tristement. Les inégalités ne se réduisent jamais, sauf au Brésil qui est devenu un pays riche. Il est en train d’éliminer complètement les inégalités sociales et économiques, et pourrait être un plan parfait pour nous si nous pouvions le rejoindre . Grâce à un appareil pour transmettre des messages en morse, que nous avons également volé, nous pourrons peut-être chercher de l’aide ailleurs.
6 décembre 2028
L’aide extérieure n’a pas été une solution, malheureusement. Nous ne sommes pas parvenus à établir un contact avec les autres pays. Nous allons alors agir depuis l’intérieur, en rejoignant toutes les personnes qui tentent de survivre et de changer cette réalité.
24 décembre 2028
Aujourd’hui c’est Noël, et nous n’avons même pas à manger. Je semble être la seule qui se rappelle encore des dates importantes. Nous sommes tous mourants, sous alimentés ou malades. Avec l’énergie du désespoir, des protestations ont éclaté. Demain, nous continuerons les protestations. Le président acceptera-t-il sous la pression de nous parler ou de recevoir chez-lui des “pestiférés” comme nous?
27 décembre 2028
Ça fait trois semaines que nous protestons. Pas de résultat. Que des morts. J’ai pensé à mes parents, j’ai fait beaucoup de cauchemars, et j’ai du mal à me rappeler comment était le pays il y a dix ans. La situation était bien meilleure quand même, malgré les difficultés.
27 février 2029
Toutes les personnes que j’ai connues au cours de ma vie sont mortes. Le dictateur a déclaré une autre guerre à la Colombie, et nous avons dû fuir notre ville, mais vu que la Colombie n’allait pas nous accueillir, nous avons vécu dans les bois pendant un mois. Suite à notre tentative de rentrer en Colombie, tous mes compagnons ont été chassés. Seule moi et un enfant de 4 ans nous sommes échappés.
23 mars 2029
Après un très très long périple et mille dangers, nous sommes arrivés dans un petit village appelé Curiapo, près de l’océan, où nous avons rencontré des personnes très gentilles qui nous ont aidé dans notre fuite. Elles nous ont embarqué vers des Îles proches du pays: Trinidad et Tobago. Nous mangeons encore très peu, mais c’est beaucoup mieux que de rester où nous étions. Mon pays n’avait presque plus d’arbres, presque plus d’animaux, presque plus d’habitants, presque plus de vie.
Je ne peux plus rien pour le sauver, mais je suis certaine qu’un jour tout changera, si les humains acceptent leurs erreurs et oublient leur égoïsme.