Emprisonnées pour fausse couche !
Camille Chavagneux, Bogotá
Aujourd’hui, en 2018, des femmes sont emprisonnées au Salvador parce qu’elles ont avorté ou tout simplement parce qu’elles ont fait une fausse couche. Cela peut paraître incroyable, mais certaines d’entre elles purgent des peines de 30 ans de prison!
Voici un témoignage de femme, victime de la loi anti-avortement, détenue dans une prison à San Salvador :
« Je m’appelle Teodora del Carmen Vásquez de Saldaña, j’ai 34 ans. Je suis détenue ici depuis le 13 juillet 2007. » Teodora a accouché, au bout de 5 mois de grossesse, d’un enfant mort-né, dans les toilettes, sur son lieu de travail. Mais elle est accusée par la justice d’avoir volontairement avorté. « Comme la police a vu des traces de sang, ils les ont suivies et ont trouvé mon bébé dans la cuvette des toilettes. Ils m’ont accusé de l’avoir tué, c’est pour ça que je me retrouve ici. Malheureusement, ici au Salvador, les choses se passent comme ça. Celles qui sont incarcérées pour ce délit, c’est nous, les gens pauvres. Quand les gens ont de l’argent, ils ne sont pas incarcérés pour quelque chose comme ça. Dans vingt ans, je crois que je serais une vieille dame et j’aurai perdu ceux que j’aime le plus. Il s’agit de mes parents. ».
Teodora et des dizaines d’autres femmes ont déposé des recours qui sont en train d’être examinés.
Quand à l’avocat de Teodora, il continue à faire tout ce qu’il peut pour essayer de la faire libérer, mais en vain. Il raconte que si une femme l’appelle en lui disant qu’elle a fait une fausse couche, il lui conseille d’aller directement à la police et d’apporter le bébé mort. La meilleure chose à faire pour une femme pauvre dans ces cas-là, c’est de pendre un sac, de le mettre dedans et de l’apporter directement à la police pour dire : « Regardez, il m’est arrivé ça et je vous amène mon bébé ». Elle ira en prison mais pourra sortir au bout de 3-4 mois. Si une femme va à l’hôpital, elle sera condamnée, parce qu’elle sera accusée d’avoir provoqué l’avortement. C’est malheureusement terrible, inhumain, brutal, il n’y a pas de mot pour qualifier cela dans un monde « civilisé ».
Si la loi sur l’avortement est aussi dure au Salvador, c’est aussi à cause de la pression de l’Église catholique, qui est très influente dans le pays. La très grande majorité des fidèles pensent que l’avortement est un péché, que Dieu a donné la vie et ce n’est pas aux gens de décider quand l’interrompre, même en cas de viol ou de danger pour la mère. Le taux de grossesse chez les adolescentes est très élevé au Salvador : une ado sur cinq a déjà été enceinte. La conséquence de la loi qui interdit complètement l’avortement, c’est qu’elles doivent aller jusqu’au bout de leurs grossesses, alors qu’elles ne sont parfois que des enfants.
Libérée en février 2018, Teodora appelle à changer la loi anti-IVG. Elle va maintenant à son tour aider les 27 femmes encore détenues en prison, à cause de fausses couches indésirées par celles-ci.
Comment améliorer la vie des femmes au Salvador ? Une maison associative regroupant plusieurs organisations défendant les droits des femmes organise la résistance contre les lois répressives à leur égard. Aujourd’hui la loi sur l’avortement au Salvador est une forme de torture. Le suicide chez les adolescentes est l’une des principales causes de mortalité chez les jeunes mères. Les associations qui défendent le droit des femmes demandent la légalisation de l’avortement dans plusieurs cas : en cas de viol, par exemple ou s’il y a danger pour la vie de la mère. Ainsi, cela permettrait de commencer à faire évoluer les mentalités dans la population.
Pour plus d’information :
https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2017/07/el-salvador-rape-survivor-sentenced-to-30-years-in-jail-under-extreme-anti-abortion-law/ https://www.sciencesetavenir.fr/sante/salvador-une-campagne-pour-autoriser-l-avortement-severement-puni_122353